Rappel du premier message :
Bien le bonsoir '___'
Ça me stresse d'avance de faire ça, parce que malheureusement l'autocritique n'est pas mon point fort et j'ai tendance à vraiment me rabaisser à ce niveau u_u
Mais voilà le chapitre annexe (accessoirement chapitre "Zéro" mais essentiel) du roman que j'ai écrit, et qui subit une grosse correction en ce moment, avant de passer au copyright puis à l'éditeur.
C'est un peu mon enfant, mon projet, le rêve de ma vie. Ce n'est pas du grand art ... Voire de l'amateurisme. Mais voilà :
En espérant que la lecture ne soit pas trop désagréable ...
petits edit : Les chapitres font environ 4 pages format A4, en moyenne. Il y a 38 chapitres, en raison de, a peu près, 240 pages. De plus; je viens de voir qu'au niveau des tirets ça a aussi déconné. Vous verrez de jolis petits carrés
Prologue :
1000 ans plus tôt.
CHAPITRE ANNEXE
La fête annuelle organisée en l’honneur des quatre dieux protecteurs battait son plein dans le petit village d’Askaär, encore recouvert des dernières neiges de l’hiver. Pour l’occasion : Mhort, l’imposant chef, fit ériger un nombre de statue équivalent à celui des divinités. Chacune était faite d’un métal précieux et tout le village déposa ses offrandes de fruits et de runes enchantées pour bénéficier une année de plus de la défense magique générée par Orion.
Lucio, adossé contre un arbre, derrière une des huttes, à quelques mètres de cette ambiance festive, regardait la scène du haut de ses 17 ans. Le jeune homme n’était pas un modèle de société et se refusait au maximum le contact avec les gens, jusqu'à même faire abstraction des traditionnelles fêtes de village, fréquentes à Askaär depuis des siècles, et ce soir-là n’échappait pas à cette dure règle de privation que le garçon s’imposait. Encore que cette fois-ci, la raison était d'autant plus spéciale que le jeune homme venait de subir une violente rupture.
Lucio leva la tête quand il entendit une branche se casser sous le pied imprudent d’une personne qui essayait de s’approcher sans son autorisation. Il se leva d’un bond mais relâcha complètement sa garde quand, dans un frêle soupir à peine audible, il vit la chevelure blonde étincelante de son frère jumeau Shin.
Lucio, si tu ne veux pas danser avec les autres, viens au moins t’éclater avec moi, dit-il dans un grand sourire. Et puis il y a notre invité, aussi.
Non. Je n'ai pas envie de vous rejoindre. Ni toi, ni cet étranger. Ne peux-tu pas comprendre que je vais mal ?
… Mais. Lucio, je le sais parfaitement. Vas au moins la voir, une dernière fois.
Non !! Je ne bougerai pas d'ici. Laisse moi, à présent … s'il te plait.
Hm… très bien, mais n’oublie pas les offrandes dans ce cas, répondit Shin d’un air plus que désolé, avant de tourner les talons et de partir en direction de la place centrale.
Le garçon courut au centre du village pour retourner danser avec les autres jeunes. Si Lucio était considéré par tous comme une personne dépressive et arrogante, son frère Shin était en revanche considéré comme un véritable modèle de bonté, de sagesse et de compassion Sa réputation fut bâtie sur les nombreux travaux manuels qu’il fit pour les habitants depuis sa plus jeune enfance, et sur son goût ardu pour l’effort et la réussite. Malgré leurs statuts de jumeaux, tout entre les deux jeunes hommes était opposé : leur caractère, leur physique, leurs goûts et même leur réputation. Cependant toutes ces divergences ne les empêchaient en rien d’être soudés, bien au contraire. Les gens pensaient que le fait même qu’ils soient si différents les rendait extrêmement complices et complémentaires, par les atouts que possédaient chacun d’eux.
Le banquet venait de s’achever, dans la traditionnelle joie et la bonne humeur, et tous, en rang, commencèrent à préparer leurs offrandes pour les disposer en quatre parts égales. Un coq zébré fut même égorgé pour l’occasion, car Askaär fêtait un nouveau centenaire. Shin, dans le rang, commençait à s’inquiéter de l’absence prolongée de son frère, qui d’ordinaire faisait l’effort d’être présent dix minutes pour le partage des runes et des fruits. Généralement, Lucio commençait par Kaärma, la déesse du destin. Ce soir-là, le jeune homme ne s’y trouvait pas.
Il demanda à un jeune homme blond, dans le rang voisin, s'il n'avait pas aperçu Lucio. Ce dernier répondit que non.
Avec une moue renfrognée, Shin sortit de la file de villageois et se dirigea à l’endroit même où il avait quitté son frère, quelques heures plus tôt. Or arrivé sur les lieux, celui-ci ne s’y trouvait pas.
Il va me faire avoir des ennuis, cet idiot. pensa l’adolescent en se frottant le crâne.
Il se retourna, regarda à droite, à gauche, et partit dans la forêt.
La voix de Shin résonna dans l’étendue neigeuse, et les divers sons de la nature, amplifiés par un écho assommant, rendirent la forêt bien plus inquiétante qu’à l’ordinaire. Le jeune homme cria le nom de son frère à répétition, tout en s’enfonçant dans les profondeurs de la forêt enneigée. Il courut à l’aveuglette, en esquivant les branches et les buissons presque instinctivement : preuve de son habileté et de sa connaissance du territoire. Sa course s’acheva dans une plaine recouverte par un léger voile blanc. La lune, à moitié pleine, éclairait l’endroit de ses rayons blanc nacrés. Shin s’arrêta cinq minutes et s’assit dans le froid.
Tss…à ce rythme-là on y est pour toute la nuit, je n’avais pas besoin de ça. Pensait le garçon.
L’adolescent dressa l’oreille; un cri se fit entendre non loin de là, dans la forêt. Shin reprit sa course sur quelques mètres et tomba sur une image effrayante : Un énorme Bamb-Ours sombre se dressait, sur deux pattes, devant Lucio qui tenait pour seule arme un bâton en feu à la main. L’ours s’abattit sur Lucio toutes griffes devant. Shin sauta et jeta son frère à terre, se prenant une légère griffure à l’épaule ; un « aïe » se fit entendre.
Tu vas bien, petit frère ? demanda Shin.
Abruti, bien sûr que je vais bien, mais ce n’était pas une raison pour échanger nos places, j’aurais pu m’en sortir seul ! Répondit Lucio qui, même s’il ne le montrait nullement, s’inquiétait pour la blessure de son jumeau.
L’ours repassa à l’attaque et Lucio sauta en arrière, puis, d’un élan, enfonça le bâton encore enflammé dans la gueule du monstre qui lança un râle de souffrance avant de s’écrouler complètement sur le sol.
Lucio releva Shin et commença à le porter. Les jumeaux, fatigués, repartirent en direction du village.
Je peux marcher tu sais…
On n’est jamais trop prudent, si ça s’infectait en touchant une branche ou quelque chose d’autre, il faudrait te couper le bras … et je n’ai pas envie de m’y coller.
Hé, tu exagères, idiot…comme toujours. Répondit Shin en souriant.
Un sifflement aigu se fit entendre. Tellement perçant que Lucio fut obligé de jeter Shin à terre pour se protéger les oreilles, et son jumeau fit de même. Le sifflement s’arrêta et laissa place à un ricanement étrange. Cela venait de derrière eux.
Ksh ksh ksh. Voilà donc les divinités de la lumière et des ténèbres. Les informations de mon chef étaient donc exactes !
Qui êtes-vous ? demanda Lucio en se retournant.
La voix semblait provenir du ciel, et ce ne n’était pas sans raison, car la personne qui venait de parler flottait dans les airs, ce qui ne manqua pas de surprendre les deux frères. L’homme portait une veste vert foncé dont le grand col s’arrêtait au niveau du nez. Cette veste s’étendait jusqu'à ses bottes noires et il possédait un appareil étrange sur le bras gauche.
Je suis satisfait. Ksh ksh… à votre stade de puissance quasiment nul, d’après les radars bien entendu, quand je vous aurai tués : mon patron n’aura plus aucun problème, cria l’homme à la veste, avant de tirer un laser jaune de son appareil métallique.
Le laser fut évité sans soucis par les deux frères, qui se mirent à courir sans poser de questions, effrayés par cet étranger qui les pourchassait du ciel, et qui utilisait une technologie inconnue.
Merde ! Quoi, encore ? Demanda Lucio à Shin, en courant le plus vite possible. Encore l’ex copain d’une de tes conquêtes ?
J’ai une tête à sortir avec des femmes de son âge ? Répliqua son frère sèchement.
Désolé, c'est l'habitude.
Ksh ksh ksh…vos disputes me donnent encore plus d’ardeur au combat, lança l’inconnu. Je vais vous faire une démonstration d'avant-garde, retenez bien la leçon ! « Adrom Laser ! » Cria l'ennemi des jumeaux.
L’onde qui sortit de la machine de l’étranger frappa de plein fouet le dos de Lucio, mais celui-ci continua de courir en titubant légèrement.
Ça va !? Demanda Shin, qui ralentit très légèrement sa course.
T’occupe. Continuons, nous sommes proches du village ! Le bouclier défensif d’Orion stoppera ce type ! Répondit Lucio entre deux souffles.
Mh ? Cet idiot est plus résistant que je ne le pensais. Si je ne les finis pas rapidement, la récolte des clés ne se passera pas comme il faut. Et c’est ma seule chance, pensa l’inconnu.
Les jumeaux continuèrent à courir à en perdre littéralement le souffle, tandis que leur ennemi tirait encore et toujours, à un rythme effréné. Ils arrivèrent enfin à la porte du village, qui était étrangement ouverte. Certes le bouclier d'Orion n'agissait plus pendant deux heures, cependant Shin s'était assuré de refermer la porte principale. Ils rentrèrent sans se poser de questions … Seulement, la mort était au rendez-vous ... Quand bien même ils survécurent face à l’homme à la veste, c’est le souffle coupé qu’ils assistèrent à un spectacle assez sombre. Le village était en feu. Les statues et les offrandes étaient détruites ou gravement endommagées, de même pour les bâtiments, les huttes, et l’odeur de la cendre se mélangeait avec l’odeur de cadavre brûlé des villageois, laissant une senteur tellement putride que Shin en eut des étourdissements. Lucio s’approcha lentement des morts, le cœur vide et rempli de haine. Tout le monde avait été exécuté. Leurs amis, leur famille…
Le chef du village et sa fille n’avaient pas non plus été épargnés. Le tableau dramatique qui se tenait là n’était pas soutenable. Shin se mit à pleurer, quant à Lucio : une larme de colère coula, qu’il essuya rapidement. Il se mit à crier d'un seul coup. Son frère tenta de le calmer mais rien n'y fit.
Il restait un autre survivant : L'étranger. Ce dernier était assis par terre, visiblement choqué, et en pleurs. Il regarda les jumeaux et dit d'une voix faible :
… A l'aide …
Une ombre sortit d’un amas de fumée, derrière l'étranger. Un bruit robotique résonna et une machine d’apparence humaine, très imposante, avec un œil bleu, tira sur les deux frères. Lucio attrapa son frère par la main, puis l'étranger, et la troupe se mit à courir. Pendant la course, l'étranger pointa du doigt l'entrée d'une caverne lumineuse. Les trois personnes y sont rentrées, sans se poser de question.
Le robot, ne pouvant passer, tira des missiles au hasard qui provoquèrent, dans un grand fracas, un éboulement qui boucha l’entrée de la grotte. Shin fit remarquer qu’ils ne pouvaient qu’être en sécurité désormais. L'étranger n'en était pas certain. Une forêt aux aspects tropicaux s’étendait devant eux. Ils y pénétrèrent, le cœur lourd. Il n’y avait ici aucune trace de neige et il semblait faire jour. Bien que les deux frères se concentrent, ils n’entendirent aucun bruit d’animaux ou d’eau qui coule et leurs voix semblaient se perdre dans l’immense forêt. Ils n’étaient jamais venus ici auparavant et se promirent de ne plus jamais remettre les pieds dans un endroit aussi glauque. L'étranger le savait … seulement, les jumeaux ne se doutaient pas, à ce moment là, que le prochain millénaire dépendrait de leurs futures actions dans ce lieu sacré.
ARC NUMERO 1 : Bazzer.
Chapitre 1 : J'entre en scène !
La sonnerie annonçant la fin des cours retentissait une fois de plus dans le lycée Nondôm. Je suis sorti en dernier, comme à mon habitude. Je ne sais pas pour vous, mais, moi, j'avais toujours l'esprit embrumé … voire lent … après neuf heures de cours. L'arithmétique était aussi intéressante qu'à l'accoutumée : ma moyenne scientifique approchait dangereusement les 2 sur 20, et les enseignants ne me donnaient aucune chance ou presque de passer en terminale littéraire. Tout le paradoxe était ici : Une terminale « Littéraire » où l'avis d'un professeur de mathématiques compte. D'ailleurs, les mathématiques ne devraient même pas exister.
« Plus que X années à tirer. » est une phrase qui revenait sans cesse dans mon esprit, et dont le nombre diminuait à chaque rentrée pour mon plus grand plaisir; et quand bien même j'aurais fini mes études lycéennes, la prochaine étape serait la faculté, pour m'assurer un bon travail.
Faculté : définition : Cher, et je n’ai pas vraiment les moyens …
Dans la ville où je vivais et étudiais, Bazzer, tout n'était que science, robotique et ingénieries en tout genre; Mais ne vous méprenez pas ! Savoir compter et programmer est loin d'être une preuve d'intelligence … Bien qu'il en faille un minimum. Je me permets d'être un peu sec, car depuis l'autodafé de Lotoff d'il y a cent cinquante ans, les gens ont décidés de renier les fondements même de la culture littéraire. (Je précise : Lotoff est ma région natale, couvrant un tiers du continent de la pointe.)
Bref, depuis cet autodafé, les enseignements « L » sont rares, voire quasi inexistants, et ne débouchent sur rien à part les études de droit qui coûtent très cher et l'écriture qui ne rapporte rien. Mais quelques élus dans mon genre tentent de préserver le goût de la littérature et des arts. Peut-être que c'est pour cela que tout le monde me rackette, aussi. C'est le jour où une brute m'a dit « Lire c'est pour les chochottes. » que je me suis rendu compte à quel point j'étais heureux d'aimer les livres.
Quoi qu'il en soit, Bazzer était une ville froide, grise et dénuée de tous sentiments humains. Si les gens n’étaient pas comparables à des robots, alors au moins pouvions nous nous permettre de penser qu’ils en avaient vaguement le profil. Et la nuit c’était la décadence qui prenait le dessus, mais ça c’est une autre histoire. Avec tout ça, quel miracle que l’enseignement L ne soit pas encore supprimé du programme … ! Je me demande bien pourquoi d'ailleurs, mais je ne vais pas m'en plaindre.
Cette folie des machines n’avait pas toujours été présente dans nos contrées. Moi, j'avais toujours connu Bazzer comme ça, mais ma mère nous répétait sans cesse, à moi, mon frère et ma sœur, que les gens ont toujours été bêtes, mais pas forcément illettrés. Le peu d'espoir qui restait, quand les bibliothèques se reconstruisaient, s'est prit un grand coup dans la figure, pour tomber dans le néant intersidéral des manuels d'histoires, car un beau jour d'il y a maintenant vingt ans : Bazzer et d’autres villes de Lotoff se retrouvèrent d’un seul coup dans cette folie des grandeurs que la loi des machines nous imposait, créées puis commandée par la même société : « A.R.K».
La compagnie « A.R.K » était apparue il y a à peu près 20 ans de cela. Depuis cette période, leurs usines et leurs immeubles ont proliférés partout dans la région et leur logo bien connu, une arche avec une étoile orange à l’intérieur, apparaissait sur tous les produits : de la simple boîte de cassoulet aux fusées, en passant par les voitures, le liquide vaisselle, les jeux vidéo et même les colliers antipuces … quand je dis « tout » …
Cette multinationale avait su imposer son style novateur et moderne dans l’ancienne campagne qui m’était si chère, et les gens se bousculaient au portillon pour travailler dans leurs usines. Ces pensées m’occupaient à chaque fin des cours, mais jamais longtemps car le même élément perturbateur venait sans cesse me déranger dans mon esprit, à tel point que ça en est devenu récurant. Un leitmotiv fait de coups de poings.
Je me suis retourné lentement, sachant à l’avance ce qui allait se produire, du début à la fin.
Alors minus, tu l’as ? M’a demandé une voix grossière, sans doute en pleine mue.
Tu me gonfles, Ralph, va racketter quelqu’un d’autre, ai-je répondu sans même avoir l’espoir que ma phrase puisse aboutir à quelconque conclusion positive.
Ho, ho ! C'est la première fois que tu exprimes ta "mécontantation."
C'est « mécontentement », Ralph.
Les complices de Ralph se sont mis à rire aux éclats. J'étais vraiment entouré de crétins.
Peut être que si tu étais plus grand, tu n’en serais pas là~, a chantonné Ralph.
Mais où est le rapport ? Ai-je crié. Apprends à compter et on viendra parler de chiffres. Ai-je répondu sur le tas, parce que je n'aimais pas que l'on me rappelle que j'étais petit.
Cette phrase a eu pour effet de permettre à Ralph d’avoir une bonne excuse pour m’en coller une. Un coup de poing bien placé et je suis tombé à terre comme une mouche qui serait passé deux centimètres trop près de la bouche de mon agresseur (et je dis ça par expérience, beurk.).
Après un rire gras qui ressemblait à « Ho ho ho ho ho ! », mon cher ami Ralph a prit mon argent sans le moindre scrupule quant au fait que je ne pourrai pas me nourrir le soir même. Il a caché son visage avec sa capuche, pour faire plus caïd où je ne sais quoi, et m'a envoyé valser avec un second coup bien placé. Sachant bien que j'étais déjà à terre … pour le plaisir de montrer qu’il était belliqueux aux badauds qui passaient par là. Je venais de remarquer à cet instant que sa capuche marron clair lui donnait l'apparence d'un caramel géant parfumé au roquefort. Mais bon, ceci étant fait, il est parti avec les deux autres personnes qui riaient de leur mesquinerie, même s'ils n'avaient rien fait. Les gens qui voyaient la scène se sont moqués de moi, m'ont pris en pitié, et, il me semble, m'ont pointés du doigt … cela m'a juste fait bailler sur le moment, parce que c'est fatiguant de se faire maltraiter... Tout de même, c'est tous les soirs pareils, ils devraient être habitués. Pensais-je sans cesse.
La routine.
N’osant pas bouger malgré tout, ressentant une légère douleur, je suis resté à terre une bonne trentaine de minutes, le temps que les gens se lassent. Cette fois ci la bataille fut quand même plus épique… je lui ai répondu ! C’est une première, j’en conçois. La nuit est tombée sans prévenir, assombrissant le paysage Bazzerien, et, les cailloux dans le dos devenant plutôt douloureux, je me suis décidé à me lever. Le réconfort m’attendait chez moi, après tout.
Je n’avais eu que très peu de temps pour repenser à cette histoire de racket. Sitôt rentré chez moi, je devais faire les tâches ménagères, car ça n’attend pas. Sur le chemin, j'ai remarqué une affiche où était écrit :
« LA TROUPE DE CIRQUE THEATRAL DISTORSION D. SERA EN VISITE DU 15 AU 20 JANVIER SUR LA PLACE PRINCIPALE DE BAZZER. ENTREE : 120 LASK PAR PERSONNE. »
L'image était belle. On y voyait Mister Distorsion, le monsieur loyal à la barbe en pointe, avec Sniper, son Hippocampe terrestre tireur d'encre, ainsi que tous les autres artistes de la troupe. J'étais très intrigué par le spectacle de Distorsion D. Ma mère m'avait une fois emmenée là bas, quand nous étions enfants, mon frère et moi. Ma sœur ayant peur des clowns, elle n'a jamais voulu venir. Une fois, je me souviens même d'être monté sur le dos de Sniper ! C'était un des rares moments de joie de ma vie. Ces moments où il manque un père …
Mes pensées m'avaient ramené bien loin en arrière, et j'essayais de me souvenir du visage de mon cher papa. Ma mère disait qu'il reviendrait un jour, et qu'il serait fier de voir comme nous avions grandi et comme nous étions devenus beaux. Mon grand frère se souvenait vaguement du visage de mon père : Il était brun, ou peut-être blond. Ses yeux étaient vairons comme les miens et il était grand, de plus il portait le même type de bouc que mon frère. Il était beau, massif et surtout très gentil. Moi, je ne me souvenais que de sa voix... claire comme le cristal, belle comme la note LA (selon mon frère) et surtout capable de rassurer les esprits et de réchauffer les cœurs.
J’ai ouvert la porte un peu plus brutalement qu’à mon habitude, ce qui a eu pour effet de réveiller Bel’, notre plante gardienne. Bel’, ou plutôt Belphégor était une plante verte gardienne à dents empoisonnées. Une espèce de la forêt de Lindsey, au nord de la ville. Elle n’a pas coûté bien cher…vu son caractère, ça se comprenait parfaitement, en fait. Il existe 5 types de plantes gardiennes : Belphégor est de rang D, c'est-à-dire quatrième dans un ordre croissant de puissance. Pas de quoi arrêter un bison brume ou un ours d’argent, mais assez utile pour nous débarrasser des voleurs du dimanche à la mode Bazzer à coup de morsures empoisonnées. Notre plante était verte à pois rouges, avec une tige dépassant les un mètre vingt, dans un pot en terre spécial lui apportant les nutriments nécessaires à sa survie, et avec des dents dont la longueur dépassait sans doute le plus long de mes doigts, mais je n'ai jamais fait le test, car je tiens à mes doigts pour tenir un stylo. Son « Nyaah » strident et répétitif donnerait à lui seul une bonne raison à un voleur de partir rapidement, mais qui s’en soucie, puisqu’un criminel moyen ne dépasserait même pas la porte d’entrée dans de telles conditions?
Bel’, dépourvu du sens de la vue, me reniflait un peu, comme d'habitude et commença à sortir la langue en esquissant un ronronnement significatif : « fais moi des grattouilles, ton frère ne me donne pas assez d’affection. » ou quelque chose dans le genre, car il est vrai qu'une plante n'a pas beaucoup d'endroits où l’on peut la gratter.
Mon frère, Vlad, devait sûrement faire un peu de musique dans la chambre. Je ne reconnaissais ni le groove de son saxophone, ni la teinte blues de sa basse … En fait, il devait sûrement pioncer. Je suis monté par curiosité, avant de me mettre à la cuisine. Seulement, arrivé devant la porte de sa chambre, j'ai surpris, bien malgré moi (Au début.) une conversation qui ne me ravissait pas plus que ça. Vlad était au téléphone avec une personne qui me manquait énormément.
… Alors comme ça tu ne rentreras pas avant une semaine…Mais je croyais que tu étais guérie ! … Dois-je le dire à Zenzen ? … Repose-toi.
Je n’entendais que des bribes. Je marmonnais « Arrête de m'appeler Zenzen, je déteste ce surnom. » quand le silence total se fit. Si Bel’ ne mangeait pas les mouches de la maison, peut-être qu’on les aurait entendues voler. Vlad est sorti précipitamment de son antre mais s'est arrêté net. Il m'a regardé, l’air désolé.
Ah, Zenzen. M'a t-il dit sur le ton de la désolation et de l'étonnement (curieux mélange.), comme si je l'avais surpris en train de se droguer où je ne sais quoi d'absurde.
Que se passe-t-il ? Et arrête de m'appeler comme ça! Ai-je répondu.
C’est maman. Elle n’est pas totalement guérie. M'a t-il avoué d'un ton grave et bien trop sérieux pour lui.
J'ai lourdement regardé le sol, les yeux embrumés. S’il fallait être sérieux, c’était le meilleur moment. Délia, notre mère, était atteinte d’une sorte de tumeur au niveau de l’estomac, et son état empirait sans cesse depuis maintenant deux longues années. Nos visites régulières à l’hôpital l’encourageaient, mais la tumeur grossissait chaque jour et cette maladie commençait à devenir très gênante. Les médecins préféraient ne pas se prononcer sur le dénouement de cette histoire, eux-mêmes très peu convaincus de l’efficacité de la chimiothérapie ici utilisée, bien qu’elle fût à l’origine de deux miracles, jusqu'à présent. Vlad et moi avons prié chaque jour pour que l'expression « Jamais deux sans trois. » marche. Encourager ma mère du mieux que je pouvais était une des raisons qui faisaient que je n’avais même plus le temps de me morfondre sur mes propres soucis, qu’ils soient scolaires ou personnels. Pourquoi les personnes exceptionnelles étaient malheureuses tout le temps? Je veux dire, mince quoi : Ralph était le genre de naze qui n'aurait jamais rien de ce genre, lui … Pas que je lui souhaite réellement d'aller à l'hôpital. C'est plutôt pour la forme que je dis ça.
Tomoe est au courant ? Ai-je demandé.
Pas encore, m'a répondu Vlad, pourtant sceptique. Il vaudrait peut-être mieux garder ça pour nous.
Elle a le droit de savoir ! Ai-je rétorqué en serrant les poings, mais mon frère n'a pas flanché une seule fois.
Tomoe était notre petite sœur, la plus jeune de la famille par conséquent. J’avais 17 ans, elle en avait 15, et Vlad en avait 19. Mon grand frère, bien qu’étant l’aîné, n’était pas le plus responsable de la famille, et pourtant nous devions tout de même lui obéir. Blond et d’environ un mètre quatre-vingt cinq, il était bien bâti et, paraît-il, assez beau garçon; cependant sa fainéantise légendaire lui a fait arrêter les études : Il s'est ainsi uniquement consacré à ses instruments de musique, dans l’espoir de percer dans ce domaine un jour.
« Rêveur », c’était ce à quoi l'on différenciait Vlad de Tomoe ou moi-même.
Ma petite sœur était sage.
Trop sage.
En vérité, nous pensions tous cela à cause de sa timidité grandissante…et qui s’accentuait encore plus vite depuis l’hospitalisation de notre mère. Tomoe était considérée par la majorité du genre masculin comme une magnifique jeune fille. Je savais qu’elle faisait chavirer un bon nombre de cœur, dans son collège, mais encore fallait-il qu’elle y prête attention. Ma sœur était une fille responsable et toujours à l’écoute. Elle n’était pas fermée d’esprit, bien au contraire ! Seulement elle avait cette incapacité chronique à parler aux autres, ainsi ne s’adressait-elle qu’aux animaux, qui la comprenaient sans doute mieux que Vlad et moi réunis. Les filles sont compliquées.
Écoute, Gozen. Elle ne le saura pas, un point c’est tout.
Vlad est descendu dans le salon sur ces mots.
Je m’en suis allé à mon tour, dépité.
Une heure est passée. La cuisine était enfin propre. Le dîner était en voie de préparation, mais cela s’annonçait rude. Je cherchais dans le frigidaire de quoi nourrir toute la troupe. Ralph ayant fauché l’argent que je réservais pour les courses, la préparation de mon fameux « Scio-menthe à la mode Neolia » s’avérait légèrement plus compliquée : surtout sans le Gelyscieur esseulé, l’animal (Et de ce fait l’ingrédient principal.) nécessaire à la réalisation de ce plat signé Roël Joe-bûchon, dont les gens prétendaient qu’il était et cuisinier et bûcheron. Allez savoir. Les Gelyscieurs esseulés étaient la variante bien connue d’une espèce toute autant connue : le Gelyscieur. Un Gelyscieur est un animal bipède de la famille des Reptiles hybrides Gelées (Ils étaient gélatineux et transparents.) originaire des plaines de Neolia, à l'ouest de Bazzer et donc à l'extrême gauche du continent de la pointe, juste à côté de l'océan d'étoiles. Les plus anciens Gelyscieurs atteignaient dans les deux mètres facilement et leur odeur était différente selon leur couleur, ce qui permettait de les classer en diverses espèces. Le Gelyscieur possède soixante douze dents disposées sur trois rangées, et qui tournent à la manière des tronçonneuses sur elles-mêmes, permettant de déchiqueter les matériaux les plus solides. Un Gelyscieur digne de ce nom peut avaler un humain en seulement cinq secondes, et lui réserves trois secondes d’intenses souffrances entre les soixante-douze mini tronçonneuses et l’acide gastrique nécessaire à la digestion. Seules cinq espèces sont connues actuellement : Le Gelyscieur rouge qui sent la fraise mais qui reste le plus agressif, le Gelyscieur vert qui sent la pomme mais qui est le plus rapide, le Gelyscieur bleu qui sent la myrtille mais qui possède un corps quasi indestructible, le Gelyscieur rose qui sent la pêche et qui permet à la reproduction des mâles de son espèce, et enfin le Gelyscieur esseulé.
L’esseulé est un individu albinos, rejeté par sa famille, sans défense particulière et qui sent étrangement la noix de coco. Celui-ci est rare, ce qui en fait un ingrédient de qualité et plutôt cher.
Je me suis résigné et j'ai fermé le frigidaire. Adieu le repas de fête. Une fois de plus, mon anniversaire allait se fêter comme tous les autres jours.
J'ai regardé le calendrier … Dix-sept ans aujourd'hui.
En fouillant dans les placards, j'ai trouvé trois conserves de soupe à la tomate. Cela nous fera bien tenir pour la nuit. Ai-je pensé.
La soupe chauffait dans un récipient prévu à cet effet. Une casserole auto chauffante conçue par la section électroménagère de « l'A.R.K ». Elle ressemblait en tout point à une banale casserole, sauf que le manche était couvert de boutons, ainsi l’on pouvait régler la température, la durée de cuisson et bien d’autres choses sans avoir à dépenser de gaz ou d’électricité (Sauf pour les piles bien entendu.). Je me lavais les mains en prenant bien soin de passer sous les ongles. Une pensée idiote m'a fait lever la tête et mon regard a nonchalamment croisé celui d’une statuette au regard impénétrable accrochée au mur par un clou et un fil. Kaärma, la déesse des récompenses et des punitions mais surtout du destin :
Membre compris dans les premiers êtres légendaires. Enfin c’est ce que disait l’Almanak.
L’Almanak est un livre énorme où sont relatés tous les faits depuis maintenant dix mille ans sur les relations entre les dieux et les espèces inférieures (c'est-à-dire moi), et qui a été publié dans le monde entier. J'ai froncé les sourcils, gêné par la présence de la statue. J'ai aussitôt détaché mon regard de l'objet en question … Kaärma…mais bien sur. Ces légendes stupides n’étaient que les affabulations de quelques moines en manque de vin. Du moins c’est ce que je pensais, car mes exploits contre Ralph où les problèmes de santé de ma mère prouvaient chaque jour que les récompenses, les punitions…étaient des choses surfaites, et que seul un imbécile pouvait encore croire aux miracles de la sorte. Seulement ma mère était une croyante de cette religion et disait depuis toujours à qui voulait l'entendre : « Un jour mes efforts paieront, Kaärma sait récompenser les plus forts. ». Vlad adoptait cette politique lui aussi, mais dans un angle différent encore. Moi, si je devais croire en quelqu'un ce serait Orion, car le temps est la seule chose de réelle à mon sens. Repenser à tout ça m'a fait souffler … Je me suis souvenu de ces interminables discussions théologiques avec ma mère, pendant qu'elle repassait. Elle m'expliquait que mon père était le plus fervent disciple d'Orion, et qu'il y avait énormément de raisons à cela. Je n'ai jamais su lesquelles. Quand avais-je perdu mon innocence et ma naïveté ? Moi-même je l’ignorais.
Un bruit sourd en provenance des escaliers m'a tiré brusquement de mes questions existentielles. Vlad a couru si vite qu'il en a raté une marche : Titubant légèrement a l’atterrissage, mais a priori rien de grave. Il s’est brutalement assis sur une chaise et a levé son assiette en m’ordonnant « Sers moi la bouffe, eh, toi, l'esclave ! ». L’exemple de la famille, tu parles.
J'ai pris un verre d'eau et l'ai soigneusement jeté sur la tête de mon frère en m'écriant « Oups, ma main a glissé. », avec toute la non sincérité du monde. Vlad, trempé, a enlevé son Tee shirt puis à marmonné un juron, et enfin il s'est tut. Il m'a souri cependant, et j'ai vu dans ses yeux pétillants toute la malice qui faisait son charme, à ce grand dadet, mais qui disait aussi « Je vais me venger, tu sais ? »
Tomoe descendait les escaliers beaucoup plus calmement. Elle s’est assise sur une chaise sans dire un mot et a prit sa cuillère en baissant le regard; sa frange blonde a alors couvert ses yeux. Je lui ai demandé si elle avait faim, et tout ce que j’ai obtenu comme réponse a été quelque chose d’imperceptible et qui a sonné comme un « ~~~un peu~~~ ».
Je lui ai servi de la soupe en souriant. Elle m'a regardé puis a vivement baissé la tête, tout en rougissant énormément. Je lui ai tapé dans le dos en riant et en disant « Tu vas exploser si tu continues à rougir, comme ça! » Mais elle n'a pas réagi et s'est contenté de manger. Mon sourire s’est effacé – Vlad l'a d'ailleurs remarqué – et je me mis a me demander quelle était la réelle situation de Tomoe, quels étaient ses sentiments, ses peines, ses joies, ses frayeurs … jamais je n'ai réussi en quinze ans à savoir ce qu’il passait par la tête de ma chère sœur. Vlad non plus. Peut être pensait-elle à maman, comme nous tous.
Chapitre 2: Je roue de coup une lampe de chevet.
La troupe et moi-même, une fois le dîner terminé, avons retroussés nos manches pour nettoyer la maison, juste avant de partir nous coucher. Cette dernière n’était pas bien grande, ainsi à trois cela mettait une demi-heure au pire. Je baillais en passant le balai, il était déjà vingt-trois heures.
Demain je me lève à cinq heures pour distribuer le courrier dans Bazzer. Ai-je pensé.
Pour subvenir aux besoins de la famille ainsi qu’aux études de Tomoe (Les miennes aussi, accessoirement, mais pour ce que j'en fais.), Vlad et moi nous levions vers cinq heures du matin pour distribuer le courrier, pour une petite compagnie anonyme qui travaillait pour le compte de « A.R.K Times », la partie « quotidien » de la société bien connue à présent.
Le soleil n’était pas tout à fait levé sur la cité. Vlad est parti cinq minutes avant moi. Son secteur était celui des ports boyaux : Une des parties glauques de la ville, bien que portuaire. Le maire a donné ce nom à ce port depuis l’assassinat des touristes et de l’équipage d’un paquebot entier, amarré juste pour une nuit. L’assassin, toujours inconnu, n’aurait soi disant plus jamais mis les pieds à Bazzer, mais comment en être sur si l’on ne le connaissait pas ?
Vlad n’était pas du genre a craindre ces racontars de vieux sur les bancs du parc des chanteurs quand le soleil de midi cogne dur. Mon secteur était celui de Bazzer Centre, à quelques minutes de la maison (Nous habitions en périphérie.).
Préparation rapide, histoire d'être propre. Je portais sur moi l'uniforme du lycée Nondöm : Un ensemble tee shirt blanc, Pantalon et veste bleu foncé, avec les armoiries de la famille Nondöm : Un renard des neiges zigzaguant entre deux flocons dorés. Les habits étaient particulièrement seyants et faisaient partie des seules choses que j'appréciais réellement dans ce lycée. Et puis je devais bien l'avouer, je n'avais pas vraiment assez d'argent pour m'habiller de diverses façons, alors porter l'uniforme du lycée constituait quatre vingt pour cent de ma garde robe actuelle. La ceinture qu'il nous forcaient à porter possédait comme boucle de ceinturon ladite armoirie de la famille créatrice du lycée.
Je me suis observé quelques instants dans le miroir. J'ai soupiré, en remettant mon col et ma cravate, libre de ses mouvements, en place : J'étais toujours le même blond … J'avais toujours les mêmes yeux vairons. A savoir un œil vert et marron … et ma taille n'avait pas bougé depuis presque trois ans. Ce petit mètre soixante treize qui faisait que je regardais la plupart des gens que je côtoyais en levant la tête.
J’ai enfourché mon scooter et je suis rapidement parti dans la direction souhaitée. La distribution du courrier a bien duré une heure. Depuis le temps que je faisais le même parcours, je commençais à jeter les lettres comme des projectiles, sans même prendre le temps de viser, et suivant la force du vent, cela marchait plus ou moins bien (j’avoue que cela marchait une fois sur cinq, mais je m'en fichais un peu.). J’ai stoppé mon scooter, pour contempler le même spectacle chaque jour avec le même malaise : L’usine A.R.K se trouvait devant moi. Derrière le grillage sur lesquels des barbelés étaient juchés stratégiquement, de manière à dire « On ne dirait pas comme ça, mais je peux donner le tétanos. » se trouvait un chemin a demi rocailleux. De l’extérieur nous pouvions apercevoir la façade blanche, immense, de l’usine, faite de métal et de plastique. Le sigle « A.R.K » était écrit en noir et juste en dessous se trouvait la fameuse arche avec l’étoile orange. De chaque coté de la structure se trouvait d’immenses turbines qui frappaient le sol avec un violent fracas, comme pour aspirer l’essence même de la nature, et la fumée jaunâtre qui s’en dégageait par un assourdissant « Pshhhh » remontait pour se mélanger à la fumée noire déjà bien toxique qui s’échappait à grande vitesse des cheminées extérieures, comme un train immense que l’on alimenterait en charbon, mais qui n’avancerait jamais. La porte était fermée. L’usine ouvrait à sept heures, et il n’était que six heures quarante-sept. J'ai redémarré mon scooter pour partir en direction de la maison, ayant terminé ma livraison matinale.
J'ai pris une pause de deux minutes, vers mon quartier, pour admirer la même vitrine tous les jours depuis maintenant huit mois.
La boutique d’antiquités « Naomé » était aussi fermée. Je me suis collé à la vitrine et je me suis senti rempli du même sentiment de désir qui m’envahissait chaque matin. Elle était encore là : Une clé en or, pas plus grande qu’un pouce, délicatement posée sur un fil noir à l'air usé et ancien. Cette clé possédait deux petites cornes en or et était ornée en plus d’une pierre précieuse qui semblait être un rubis. J'ai ravalé ma salive et je suis rapidement parti. Je ne comprenais pas pourquoi, mais cet objet, plus que n'importe quel autre objet jusqu'à présent, m’attirait … Je connaissais bien le gérant, à force de venir pendant les heures creuses, et celui-ci m’avait un jour expliqué qu’un homme lui avait donné le bijou, il y a de cela deux ans, en précisant que ce collier trouverais de lui-même son porteur, car telle était son utilité. Comment un collier pouvait avoir une quelconque utilité ? C'est aussi cette part de mystère qui me donnait envie d'être le porteur du collier … Cependant, depuis le temps que je le regardais, il aurait dû se rendre compte de ma présence. J'ai alors abandonné tout espoir de l'avoir autour du cou.
Je suis rentré en hâte à la maison. Bel’ dormait à point fermé, une bulle de sève pendait de son bulbe, je l'ai éclaté rapidement et il se réveilla en sursaut :
Pas le temps de buller, Bel', tu as une maison à garder, je te signale.
J'ai gravi les marches de mon escalier deux à deux. Mon sac devait probablement être jeté au pied de mon lit. J'ai tout de même pris la peine de m'accorder une minute de silence, constatant avec plaisir le calme apaisant qui régnait. La maison n’était pas aussi bruyante que d’habitude, et a priori Tomoe était déjà partie. Cette quiétude m'a fait légèrement sourire. Ces instants de plénitude étaient rares, par les temps qui courent. J'ai tranquillement ouvert la porte, apaisé par le calme ambiant, et … c’est à ce moment là que ma vie a pris un tournant assez inattendu.
J’ai étouffé un cri de stupeur, mais il était trop tard pour ce genre de choses. Deux personnes, que je n’avais jamais vues en dix-sept ans d’existence, se reposaient dans ma chambre. L’un somnolait sur mon lit, et l’autre lisait une bande dessinée de ma bibliothèque. J'ai reculé d’un pas, pour examiner les deux individus qui, à priori, se fichaient totalement de ma présence. Celui qui se relaxait sans ma permission sur mon lit portait un tee shirt noir pile a la bonne taille mais déchiré au niveau du ventre et des manches, avec un énorme signe « Anarchie » en jaune, un pantalon noir rougeâtre tout autant déchiré et orné de chaînes en métal couleur fer. Sur son crâne se trouvaient deux cornes aux reflets d’ivoire, en partie cachées par ses cheveux mi-longs et noirs, ainsi qu’une queue encore plus foncée qui finissait en pointe de flèche. Une canine dépassait de sa bouche, comme un vampire, et il portait d’énormes bottes faites de cuir et de fer, décorées avec les mêmes motifs que son pantalon, et il dégueulassait bien entendu mon drap blanc en mettant les pieds dessus. L’autre personne était habillée beaucoup plus simplement. Cheveux légèrement plus courts mais en bataille, avec d’immenses yeux bleus ainsi qu’une étrange auréole sur la tête, il était habillé d’une veste, d’un tee shirt et d’un pantalon d’un blanc aussi immaculé que ses baskets. Il était tellement lumineux que cela donnait l’impression qu’il lui était impossible de se salir. Sur son Tee shirt il y avait pourtant le motif d’une énorme tête jaune qui souriait. Il n y avait ni un pli de travers ni une marque de vêtement froissé. Le garçon en noir était propre, certes, mais son compagnon était impeccable de presque tous les côtés. Seuls ses cheveux, d’un blond presque doré, étaient parsemés d’épis, brisant l'harmonie qui émanait de lui. Enfin ça lui allait bien de toute façon, et niveau épi j'étais gâté aussi. Tellement gâté que j'avais décidé il y a très longtemps de faire de mes épis ma coupe de cheveux.
Je suis allé en fonçant dans la chambre de Vlad sans demander mon reste et j'ai pris sa batte de Base-Ball. Je suis rentré dans la chambre en furie et j'ai menacé les intrus en agitant la batte un peu partout, ce qui a juste eu pour effet de briser une de mes lampes de chevet et de me faire baisser la tête. J’avais été ridicule, j’en conviens. Je n'étais pas très menaçant, il faut dire. Les deux adolescents se sont regardés et ont éclatés de rire. Charmant.
Ces mêmes personnes, d'un bond, se sont levées pour se mettre à ma hauteur. Le garçon aux cheveux blonds, qui avait visiblement le même âge que moi, a tendu sa main et m'a souri d’un air amical. Je lui ai serré la main, perplexe. A ce moment là j'ai senti une vague d’énergie qui a violemment parcouru l'intérieur de mon corps, comme une décharge électrique. J'en ai eu des frissons.
Qui êtes-vous ? Ai-je demandé.
Tu ne te souviens pas de nous ? A dit le blond.
Comment pourrait-il ? A rétorqué le brun. N'oublie pas que c'est la première fois qu'il nous rencontre.
Oh … C'est vrai. Seulement, ça fait mille ans. Il a aussi l'air plus jeune.
Tu sais comment est Orion … Enfin. Gozen, est-ce que tu as la clé ?
« Gozen ? » … Comment connaissait-il mon nom ? J'ai été frappé d'un étrange malaise, qui m'a donné la migraine. La sensation de connaître quelque chose, sans l'avoir vécu. Comment ces personnes pouvaient-elles me connaître, alors que je ne savais pas moi-même qui elles étaient … ? Surtout que … Leurs visages m'étaient familiers.
Non mais … Qui vous êtes, sincèrement ?
As-tu la clé ? Demanda le blond avec un grand sourire qui, étrangement, inspirait confiance.
… Quelle clé ?
Les deux entités se sont d'un coup regardées. « Il n’a pas la clé. » « J’ai entendu figure toi. » « Que fait-on ? » « On dégage, ça sert à rien de traîner là si il n’a aucun moyen de nous aider. »
Ils sont partis dans un léger halo lumineux. La chambre était de nouveau silencieuse. J'ai regardé dans le vide, complètement perplexe. Que s'était-il passé, à l'instant ? Je suis resté dans la même position une bonne minute puis j'ai finalement décidé de ranger le cadavre de lampe qui traînait à côté de mon lit. Le sac sur le dos, j'ai foncé en direction du lycée. Être en retard signifiait ma mort, dans certains cas.
Chapitre 3 : Je lance des éclairs grâce à des cornes invisibles
La porte du lycée n’était pas encore fermée. J’avais arrêté de courir depuis cinq bonnes minutes, trop fatigué des récents évènements qui, je dois l’avouer, m’avaient un peu vidés. J'ai soufflé. Derrière le grillage principal du lycée se trouvait Ralph. Je n’avais pas été plus rapide que lui aujourd’hui, je voyais sa capuche dépasser du muret intérieur.
Je me suis raclé la gorge et je suis parti lentement dans sa direction, en espérant qu’il ne me remarque pas dans la masse de lycéens. Je me suis toujours demandé ce qui faisait de moi plutôt qu’un autre une cible de choix pour Ralph. Je veux bien admettre que je ne suis ni le plus fort ni le plus courageux des adolescents, cependant il me semblait que d’autres types étaient plus qualifiés que moi pour se faire tabasser quotidiennement. Ralph m'a quand même vu. On ne peut pas gagner à tous les coups. Il m'a pris par le col et son sourire n’annonçait rien de bon, bien entendu. Il m'a jeté par terre et a ri de bon cœur … « Bon cœur » et Ralph ça sonne tellement faux dans la même phrase que je préfère encore que vous oubliez ma dernière pensée.
Je me suis essuyé la bouche à cause de la poussière qui s’était posée sur mes lèvres et j'ai reculé d’un pas. Je ne pouvais rien faire dans ces cas là. Un « tss » a fait écho dans la cour du lycée. J'ai instinctivement levé la tête (Ne me demandez pas pourquoi.) Et j'ai vu ces deux types … Eux !
Les deux personnes dil y a une heure étaient assises sur le muret et regardaient le spectacle. Cependant personne ne semblait prêter attention à eux.
Vous ? Ici ?
T’étais plus balèze avant … a dit le brun.
Combien de fois vais-je devoir t'expliquer qu'il n'a pas encore vécu ces évènements ? Comment peut-il être plus fort, sans même avoir la clé du temps ? A expliqué son compagnon, l'air désolé.
Je n'ai pas répondu. Il était évident que ces deux dingues s'amusaient à mes dépends.
… Mais bon. Ça serait bête que ce tas de muscles te mette en morceaux maintenant, a avoué le brun.
Dites, si c'est pour vous foutre de moi, vous pouvez aussi rejoindre la foule, par là.
J'ai constaté que Ralph se demandait ce que je faisais. Comme s'il ne voyait pas les deux jumeaux, sur le mur.
Bah. Nous ne sommes pas ici pour nous moquer, mais pour t'aider. A expliqué le brun.
Vous … Allez vous battre avec moi ?
Pas avec toi. A dit le blond. A l'intérieur de toi.
Que … ?
Tu as cinq minutes, profites en bien ! A crié le brun avant de se jeter sur moi.
J'ai senti une aura particulière m’envahir. Je me suis lentement redressé. Sensation étrange. Comme si on squattait mon esprit. Tellement de puissance. J'ai eu envie de rire un bon coup, sans même en comprendre la raison. Les bras ballants, car je ne les contrôlais plus, je me suis avancé vers Ralph. Qu'est ce que mon corps avait prévu, comme coup tordu ? Je n’étais plus maître de moi-même, en tout cas.
Ralph a reculé d'un pas à son tour. Les experts pourraient croire à un miracle, moi j'ai juste pensé qu'il avait perçu le changement. J'ai dégagé une mèche de cheveux qui me gênait, et l'ai regardé droit dans les yeux. En tout et pour tout il me semble avoir marmonné « Tu as cinq secondes. »
J'ai senti en moi une vague de chaleur qui s'est inexplicablement transformée en désir accumulé de vengeance. C’était une sensation bien trop étrange pour être décrite avec des mots.
Je me suis jeté d'un bond sur Ralph et lui ai asséné le coup de poing de sa vie … Et de la mienne aussi. Ma frappe l'a fait reculer d’un bon mètre, à peu près. Je ne sais pas s’il a eu mal, mais pour le coup, il a été plutôt vexé de s'être fait avoir comme une racaille des bacs à sable. Il s’est essuyé le nez et a crié un truc incompréhensible, tellement c'était fort et sauvage. Et par sauvage j'entends bien « primitif ».
Aveuglé par la colère, celui que j’avais frappé m'a sauté dessus comme un fauve, pour me mettre finalement à terre. Sa vraie force s'était enfin révélée, après tout ce temps. Mais pour dire vrai, la mienne aussi a décidé d'apparaître.
Il m'a frappé au visage à une telle vitesse que le sol s'est rétracté au fil de ses coups. Il avait des poings en acier ?
Je souffrais mais je m’en fichais. A ce niveau là, plus rien ne comptais.
Je l’ai éjecté d’un coup de pied dans le ventre. Ma vitesse et ma force s’étaient décuplées, c’est un fait, en dépit de ça, le brun contrôlait parfaitement bien mon corps, alors c'était dur de lutter. Le garçon blond regardait la scène attentivement. Les deux compagnons de Ralph m'ont tenu les bras, et je me suis retrouvé immobilisé en un instant. Ralph m'a foncé dessus avec une vitesse prodigieuse et m’a cogné avec un coup de pied dans le ventre d’une telle force que j'ai cru que sa jambe m’avait traversé. Les gens autour de nous criaient « COMBAT ! COMBAT ! » Mais d’autres, silencieux, se contentaient simplement d’observer nos mouvements. Une voix a résonnée dans ma tête. Tout d’un coup l’atmosphère était devenue beaucoup plus calme. J’étais comme transporté. Une lumière m’a aveuglé pendant une seconde et j’ai eu la vague impression de flotter dans les airs. Celui qui me contrôlait se tenait devant moi, les bras croisés. Il était imposant.
Où suis-je… ? Ai-je demandé.
Ici ? Eh bien … c'est ton esprit. Mais … il est tellement blanc que c'est à se demander si tu as déjà fait une mauvaise action dans ta vie.
Euh … tabasser Ralph, ça ne compte pas comme une mauvaise action ?
Bof … Ouais, mais non. C'est de la légitime défense après tout.
Appelle ça comme tu veux. Pourquoi je suis ici ? … Je ne suis pas mort, hein ?
Tu veux rire ? Si tu meurs à cause de lui, tu ne vaux pas grand-chose.
Pas faux. Mais pourquoi mon esprit est-il si blanc, dans ce cas ?
Ne t'inquiète pas. Après la correction que tu vas mettre à ce crétin, il y aura des changements, ici. Mais tu le verras bien assez tôt.
Je ne suis pas pressé.
Je vais t’avouer quelque chose. – Il s’est assis. – Je ne suis là que pour te booster un peu. Il faut que tu saches que mon seul rôle dans ce combat est de stimuler ton énergie mentale pour te faire comprendre la situation dans laquelle tu te trouves. En outre peut-être consentirai-je à t'expliquer notre présence ici si jamais tu voulais bien en finir avec lui … ?
C’est qu’il est fort…
Tss, tu parles. Je ne vais pas rentrer dans les détails mais écoute moi bien : Dès que tu seras sorti d’ici, tu vas prononcer à voix haute les mots que je vais te citer, ils auront pour but d’activer un de mes pouvoirs à distance.
Mon interlocuteur m'a donné de simples instructions.
Non mais … y a aucun moyen que je crie ça en public, c'est vraiment …
T'as envie de mourir ?
Non, mais …
Alors on s'en fout. De toute façon les gens sont tellement fascinés par le spectacle qu'ils ne t'écouteront même pas.
Je suis sorti de mon esprit comme j’y étais rentré : Sans savoir comment.
L’ambiance brutale du combat, dont je m’étais éloigné quelques minutes, est retombée sur mon cœur comme un choc. Je me sentais toujours possédé. Cela serait sûrement ma dernière action. Il était temps d’en finir. J'ai crié à haute et intelligible voix les mots qu’il m’avait confiés :
« Thunder Spark ! »
Mon corps entier a tremblé. Une énergie considérable semblait s’être relâchée. Une queue similaire à celle du type brun était sortie de mon pantalon sans que je lui donne ma permission et s’était plantée d’elle-même dans le sol. Mes trois agresseurs ont été électrocutés avec une puissance capable d’alimenter le lycée entier. Lycée qui, au passage, a prit énormément de dégâts. Les éclairs ont valsé un peu partout, et l'un d'eux s'est dirigé sur la salle de sciences physiques, qui a explosé. L'explosion de la salle de chimie en a entrainé une autre, puis encore une …
J’ai offert un vrai feu d'artifice aux gens présents, et le proviseur allait sûrement me virer. Ralph et ses complices sont tombés et ne se sont plus relevés. La queue a disparue, et, fatigué, je me suis assis par terre. Il avait en tout cas quitté mon corps, le brun. J’étais blessé et mes habits étaient brûlés à certains endroits. Mes trois ennemis ne bougeaient plus. Ils étaient morts sur le coup. J'ai dégluti. Moi ? Un meurtrier ? Jamais ! … Et pourtant ...
J'ai regardé autour de moi, très peu confiant quant à la hausse de ma popularité. Personne n'est parti. Les lycéens me regardaient fixement, complètement choqués, voire apeurés. Personne n’osait faire un pas en avant ou en arrière. Il régnait un silence de mort … Bon, il faut dire qu'il y avait trois morts, aussi, mais ce n'était pas une raison. Je me suis levé d’un bond et, effrayé par mes propres actions, me suis enfui du lycée, qui n'était plus qu'un tas de … plastique fondu et de pierre ? Quelque chose comme ça.
Au bout de vingt minutes de courses je me suis retourné. Personne. J'étais complètement seul. Les deux entités n’avaient pas l’air d’être ici elles non plus. Je suis allé en direction de ma maison … Il me fallait du repos.
…Qu’en penses-tu, mon frère ? demanda le blond, assis sur un toit.
J’ai vu la pureté de son esprit. Une aura rare. Bien plus rare que la nôtre … et plus puissante, répondit son frère, adossé contre un grillage, juste à côté.
Comment ça ? demanda le blond, curieux.
Quand il a prononcé les mots. Il a réussi à m’extorquer de la puissance, à moi ! Ce que je veux dire, c’est que « Thunder Spark » n’était censé que paralyser ses adversaires. Il a réussi à tripler la puissance de mon attaque, juste par la seule puissance de sa colère. Ni toi ni moi n’aurions fait mieux à ce seuil d’entraînement quasiment nul, répondit le brun.
Lucio… Il lui faut la clé.
Je le sais ! Mais lui, il ne s'attend certainement pas à vivre autant d'aventures.
Tu sais ce qui me fait sourire ?
Quoi donc, Shin ?
Que son futur soit notre passé, et que notre futur sera son passé.
Orion est quelqu'un de mystérieux.
Oui, il faut croire. Mais le futur n'est pas forcément exact. Après tout nous ne savons pas ce qui l'attend. Nous savons juste que l'histoire ne sera pas établie tant qu'il ne sera pas allé là-bas …
Tu as raison Lucio, il pourrait bien…sauver le monde entier.
Bien le bonsoir '___'
Ça me stresse d'avance de faire ça, parce que malheureusement l'autocritique n'est pas mon point fort et j'ai tendance à vraiment me rabaisser à ce niveau u_u
Mais voilà le chapitre annexe (accessoirement chapitre "Zéro" mais essentiel) du roman que j'ai écrit, et qui subit une grosse correction en ce moment, avant de passer au copyright puis à l'éditeur.
C'est un peu mon enfant, mon projet, le rêve de ma vie. Ce n'est pas du grand art ... Voire de l'amateurisme. Mais voilà :
En espérant que la lecture ne soit pas trop désagréable ...
petits edit : Les chapitres font environ 4 pages format A4, en moyenne. Il y a 38 chapitres, en raison de, a peu près, 240 pages. De plus; je viens de voir qu'au niveau des tirets ça a aussi déconné. Vous verrez de jolis petits carrés
Prologue :
1000 ans plus tôt.
CHAPITRE ANNEXE
La fête annuelle organisée en l’honneur des quatre dieux protecteurs battait son plein dans le petit village d’Askaär, encore recouvert des dernières neiges de l’hiver. Pour l’occasion : Mhort, l’imposant chef, fit ériger un nombre de statue équivalent à celui des divinités. Chacune était faite d’un métal précieux et tout le village déposa ses offrandes de fruits et de runes enchantées pour bénéficier une année de plus de la défense magique générée par Orion.
Lucio, adossé contre un arbre, derrière une des huttes, à quelques mètres de cette ambiance festive, regardait la scène du haut de ses 17 ans. Le jeune homme n’était pas un modèle de société et se refusait au maximum le contact avec les gens, jusqu'à même faire abstraction des traditionnelles fêtes de village, fréquentes à Askaär depuis des siècles, et ce soir-là n’échappait pas à cette dure règle de privation que le garçon s’imposait. Encore que cette fois-ci, la raison était d'autant plus spéciale que le jeune homme venait de subir une violente rupture.
Lucio leva la tête quand il entendit une branche se casser sous le pied imprudent d’une personne qui essayait de s’approcher sans son autorisation. Il se leva d’un bond mais relâcha complètement sa garde quand, dans un frêle soupir à peine audible, il vit la chevelure blonde étincelante de son frère jumeau Shin.
Lucio, si tu ne veux pas danser avec les autres, viens au moins t’éclater avec moi, dit-il dans un grand sourire. Et puis il y a notre invité, aussi.
Non. Je n'ai pas envie de vous rejoindre. Ni toi, ni cet étranger. Ne peux-tu pas comprendre que je vais mal ?
… Mais. Lucio, je le sais parfaitement. Vas au moins la voir, une dernière fois.
Non !! Je ne bougerai pas d'ici. Laisse moi, à présent … s'il te plait.
Hm… très bien, mais n’oublie pas les offrandes dans ce cas, répondit Shin d’un air plus que désolé, avant de tourner les talons et de partir en direction de la place centrale.
Le garçon courut au centre du village pour retourner danser avec les autres jeunes. Si Lucio était considéré par tous comme une personne dépressive et arrogante, son frère Shin était en revanche considéré comme un véritable modèle de bonté, de sagesse et de compassion Sa réputation fut bâtie sur les nombreux travaux manuels qu’il fit pour les habitants depuis sa plus jeune enfance, et sur son goût ardu pour l’effort et la réussite. Malgré leurs statuts de jumeaux, tout entre les deux jeunes hommes était opposé : leur caractère, leur physique, leurs goûts et même leur réputation. Cependant toutes ces divergences ne les empêchaient en rien d’être soudés, bien au contraire. Les gens pensaient que le fait même qu’ils soient si différents les rendait extrêmement complices et complémentaires, par les atouts que possédaient chacun d’eux.
Le banquet venait de s’achever, dans la traditionnelle joie et la bonne humeur, et tous, en rang, commencèrent à préparer leurs offrandes pour les disposer en quatre parts égales. Un coq zébré fut même égorgé pour l’occasion, car Askaär fêtait un nouveau centenaire. Shin, dans le rang, commençait à s’inquiéter de l’absence prolongée de son frère, qui d’ordinaire faisait l’effort d’être présent dix minutes pour le partage des runes et des fruits. Généralement, Lucio commençait par Kaärma, la déesse du destin. Ce soir-là, le jeune homme ne s’y trouvait pas.
Il demanda à un jeune homme blond, dans le rang voisin, s'il n'avait pas aperçu Lucio. Ce dernier répondit que non.
Avec une moue renfrognée, Shin sortit de la file de villageois et se dirigea à l’endroit même où il avait quitté son frère, quelques heures plus tôt. Or arrivé sur les lieux, celui-ci ne s’y trouvait pas.
Il va me faire avoir des ennuis, cet idiot. pensa l’adolescent en se frottant le crâne.
Il se retourna, regarda à droite, à gauche, et partit dans la forêt.
La voix de Shin résonna dans l’étendue neigeuse, et les divers sons de la nature, amplifiés par un écho assommant, rendirent la forêt bien plus inquiétante qu’à l’ordinaire. Le jeune homme cria le nom de son frère à répétition, tout en s’enfonçant dans les profondeurs de la forêt enneigée. Il courut à l’aveuglette, en esquivant les branches et les buissons presque instinctivement : preuve de son habileté et de sa connaissance du territoire. Sa course s’acheva dans une plaine recouverte par un léger voile blanc. La lune, à moitié pleine, éclairait l’endroit de ses rayons blanc nacrés. Shin s’arrêta cinq minutes et s’assit dans le froid.
Tss…à ce rythme-là on y est pour toute la nuit, je n’avais pas besoin de ça. Pensait le garçon.
L’adolescent dressa l’oreille; un cri se fit entendre non loin de là, dans la forêt. Shin reprit sa course sur quelques mètres et tomba sur une image effrayante : Un énorme Bamb-Ours sombre se dressait, sur deux pattes, devant Lucio qui tenait pour seule arme un bâton en feu à la main. L’ours s’abattit sur Lucio toutes griffes devant. Shin sauta et jeta son frère à terre, se prenant une légère griffure à l’épaule ; un « aïe » se fit entendre.
Tu vas bien, petit frère ? demanda Shin.
Abruti, bien sûr que je vais bien, mais ce n’était pas une raison pour échanger nos places, j’aurais pu m’en sortir seul ! Répondit Lucio qui, même s’il ne le montrait nullement, s’inquiétait pour la blessure de son jumeau.
L’ours repassa à l’attaque et Lucio sauta en arrière, puis, d’un élan, enfonça le bâton encore enflammé dans la gueule du monstre qui lança un râle de souffrance avant de s’écrouler complètement sur le sol.
Lucio releva Shin et commença à le porter. Les jumeaux, fatigués, repartirent en direction du village.
Je peux marcher tu sais…
On n’est jamais trop prudent, si ça s’infectait en touchant une branche ou quelque chose d’autre, il faudrait te couper le bras … et je n’ai pas envie de m’y coller.
Hé, tu exagères, idiot…comme toujours. Répondit Shin en souriant.
Un sifflement aigu se fit entendre. Tellement perçant que Lucio fut obligé de jeter Shin à terre pour se protéger les oreilles, et son jumeau fit de même. Le sifflement s’arrêta et laissa place à un ricanement étrange. Cela venait de derrière eux.
Ksh ksh ksh. Voilà donc les divinités de la lumière et des ténèbres. Les informations de mon chef étaient donc exactes !
Qui êtes-vous ? demanda Lucio en se retournant.
La voix semblait provenir du ciel, et ce ne n’était pas sans raison, car la personne qui venait de parler flottait dans les airs, ce qui ne manqua pas de surprendre les deux frères. L’homme portait une veste vert foncé dont le grand col s’arrêtait au niveau du nez. Cette veste s’étendait jusqu'à ses bottes noires et il possédait un appareil étrange sur le bras gauche.
Je suis satisfait. Ksh ksh… à votre stade de puissance quasiment nul, d’après les radars bien entendu, quand je vous aurai tués : mon patron n’aura plus aucun problème, cria l’homme à la veste, avant de tirer un laser jaune de son appareil métallique.
Le laser fut évité sans soucis par les deux frères, qui se mirent à courir sans poser de questions, effrayés par cet étranger qui les pourchassait du ciel, et qui utilisait une technologie inconnue.
Merde ! Quoi, encore ? Demanda Lucio à Shin, en courant le plus vite possible. Encore l’ex copain d’une de tes conquêtes ?
J’ai une tête à sortir avec des femmes de son âge ? Répliqua son frère sèchement.
Désolé, c'est l'habitude.
Ksh ksh ksh…vos disputes me donnent encore plus d’ardeur au combat, lança l’inconnu. Je vais vous faire une démonstration d'avant-garde, retenez bien la leçon ! « Adrom Laser ! » Cria l'ennemi des jumeaux.
L’onde qui sortit de la machine de l’étranger frappa de plein fouet le dos de Lucio, mais celui-ci continua de courir en titubant légèrement.
Ça va !? Demanda Shin, qui ralentit très légèrement sa course.
T’occupe. Continuons, nous sommes proches du village ! Le bouclier défensif d’Orion stoppera ce type ! Répondit Lucio entre deux souffles.
Mh ? Cet idiot est plus résistant que je ne le pensais. Si je ne les finis pas rapidement, la récolte des clés ne se passera pas comme il faut. Et c’est ma seule chance, pensa l’inconnu.
Les jumeaux continuèrent à courir à en perdre littéralement le souffle, tandis que leur ennemi tirait encore et toujours, à un rythme effréné. Ils arrivèrent enfin à la porte du village, qui était étrangement ouverte. Certes le bouclier d'Orion n'agissait plus pendant deux heures, cependant Shin s'était assuré de refermer la porte principale. Ils rentrèrent sans se poser de questions … Seulement, la mort était au rendez-vous ... Quand bien même ils survécurent face à l’homme à la veste, c’est le souffle coupé qu’ils assistèrent à un spectacle assez sombre. Le village était en feu. Les statues et les offrandes étaient détruites ou gravement endommagées, de même pour les bâtiments, les huttes, et l’odeur de la cendre se mélangeait avec l’odeur de cadavre brûlé des villageois, laissant une senteur tellement putride que Shin en eut des étourdissements. Lucio s’approcha lentement des morts, le cœur vide et rempli de haine. Tout le monde avait été exécuté. Leurs amis, leur famille…
Le chef du village et sa fille n’avaient pas non plus été épargnés. Le tableau dramatique qui se tenait là n’était pas soutenable. Shin se mit à pleurer, quant à Lucio : une larme de colère coula, qu’il essuya rapidement. Il se mit à crier d'un seul coup. Son frère tenta de le calmer mais rien n'y fit.
Il restait un autre survivant : L'étranger. Ce dernier était assis par terre, visiblement choqué, et en pleurs. Il regarda les jumeaux et dit d'une voix faible :
… A l'aide …
Une ombre sortit d’un amas de fumée, derrière l'étranger. Un bruit robotique résonna et une machine d’apparence humaine, très imposante, avec un œil bleu, tira sur les deux frères. Lucio attrapa son frère par la main, puis l'étranger, et la troupe se mit à courir. Pendant la course, l'étranger pointa du doigt l'entrée d'une caverne lumineuse. Les trois personnes y sont rentrées, sans se poser de question.
Le robot, ne pouvant passer, tira des missiles au hasard qui provoquèrent, dans un grand fracas, un éboulement qui boucha l’entrée de la grotte. Shin fit remarquer qu’ils ne pouvaient qu’être en sécurité désormais. L'étranger n'en était pas certain. Une forêt aux aspects tropicaux s’étendait devant eux. Ils y pénétrèrent, le cœur lourd. Il n’y avait ici aucune trace de neige et il semblait faire jour. Bien que les deux frères se concentrent, ils n’entendirent aucun bruit d’animaux ou d’eau qui coule et leurs voix semblaient se perdre dans l’immense forêt. Ils n’étaient jamais venus ici auparavant et se promirent de ne plus jamais remettre les pieds dans un endroit aussi glauque. L'étranger le savait … seulement, les jumeaux ne se doutaient pas, à ce moment là, que le prochain millénaire dépendrait de leurs futures actions dans ce lieu sacré.
ARC NUMERO 1 : Bazzer.
Chapitre 1 : J'entre en scène !
La sonnerie annonçant la fin des cours retentissait une fois de plus dans le lycée Nondôm. Je suis sorti en dernier, comme à mon habitude. Je ne sais pas pour vous, mais, moi, j'avais toujours l'esprit embrumé … voire lent … après neuf heures de cours. L'arithmétique était aussi intéressante qu'à l'accoutumée : ma moyenne scientifique approchait dangereusement les 2 sur 20, et les enseignants ne me donnaient aucune chance ou presque de passer en terminale littéraire. Tout le paradoxe était ici : Une terminale « Littéraire » où l'avis d'un professeur de mathématiques compte. D'ailleurs, les mathématiques ne devraient même pas exister.
« Plus que X années à tirer. » est une phrase qui revenait sans cesse dans mon esprit, et dont le nombre diminuait à chaque rentrée pour mon plus grand plaisir; et quand bien même j'aurais fini mes études lycéennes, la prochaine étape serait la faculté, pour m'assurer un bon travail.
Faculté : définition : Cher, et je n’ai pas vraiment les moyens …
Dans la ville où je vivais et étudiais, Bazzer, tout n'était que science, robotique et ingénieries en tout genre; Mais ne vous méprenez pas ! Savoir compter et programmer est loin d'être une preuve d'intelligence … Bien qu'il en faille un minimum. Je me permets d'être un peu sec, car depuis l'autodafé de Lotoff d'il y a cent cinquante ans, les gens ont décidés de renier les fondements même de la culture littéraire. (Je précise : Lotoff est ma région natale, couvrant un tiers du continent de la pointe.)
Bref, depuis cet autodafé, les enseignements « L » sont rares, voire quasi inexistants, et ne débouchent sur rien à part les études de droit qui coûtent très cher et l'écriture qui ne rapporte rien. Mais quelques élus dans mon genre tentent de préserver le goût de la littérature et des arts. Peut-être que c'est pour cela que tout le monde me rackette, aussi. C'est le jour où une brute m'a dit « Lire c'est pour les chochottes. » que je me suis rendu compte à quel point j'étais heureux d'aimer les livres.
Quoi qu'il en soit, Bazzer était une ville froide, grise et dénuée de tous sentiments humains. Si les gens n’étaient pas comparables à des robots, alors au moins pouvions nous nous permettre de penser qu’ils en avaient vaguement le profil. Et la nuit c’était la décadence qui prenait le dessus, mais ça c’est une autre histoire. Avec tout ça, quel miracle que l’enseignement L ne soit pas encore supprimé du programme … ! Je me demande bien pourquoi d'ailleurs, mais je ne vais pas m'en plaindre.
Cette folie des machines n’avait pas toujours été présente dans nos contrées. Moi, j'avais toujours connu Bazzer comme ça, mais ma mère nous répétait sans cesse, à moi, mon frère et ma sœur, que les gens ont toujours été bêtes, mais pas forcément illettrés. Le peu d'espoir qui restait, quand les bibliothèques se reconstruisaient, s'est prit un grand coup dans la figure, pour tomber dans le néant intersidéral des manuels d'histoires, car un beau jour d'il y a maintenant vingt ans : Bazzer et d’autres villes de Lotoff se retrouvèrent d’un seul coup dans cette folie des grandeurs que la loi des machines nous imposait, créées puis commandée par la même société : « A.R.K».
La compagnie « A.R.K » était apparue il y a à peu près 20 ans de cela. Depuis cette période, leurs usines et leurs immeubles ont proliférés partout dans la région et leur logo bien connu, une arche avec une étoile orange à l’intérieur, apparaissait sur tous les produits : de la simple boîte de cassoulet aux fusées, en passant par les voitures, le liquide vaisselle, les jeux vidéo et même les colliers antipuces … quand je dis « tout » …
Cette multinationale avait su imposer son style novateur et moderne dans l’ancienne campagne qui m’était si chère, et les gens se bousculaient au portillon pour travailler dans leurs usines. Ces pensées m’occupaient à chaque fin des cours, mais jamais longtemps car le même élément perturbateur venait sans cesse me déranger dans mon esprit, à tel point que ça en est devenu récurant. Un leitmotiv fait de coups de poings.
Je me suis retourné lentement, sachant à l’avance ce qui allait se produire, du début à la fin.
Alors minus, tu l’as ? M’a demandé une voix grossière, sans doute en pleine mue.
Tu me gonfles, Ralph, va racketter quelqu’un d’autre, ai-je répondu sans même avoir l’espoir que ma phrase puisse aboutir à quelconque conclusion positive.
Ho, ho ! C'est la première fois que tu exprimes ta "mécontantation."
C'est « mécontentement », Ralph.
Les complices de Ralph se sont mis à rire aux éclats. J'étais vraiment entouré de crétins.
Peut être que si tu étais plus grand, tu n’en serais pas là~, a chantonné Ralph.
Mais où est le rapport ? Ai-je crié. Apprends à compter et on viendra parler de chiffres. Ai-je répondu sur le tas, parce que je n'aimais pas que l'on me rappelle que j'étais petit.
Cette phrase a eu pour effet de permettre à Ralph d’avoir une bonne excuse pour m’en coller une. Un coup de poing bien placé et je suis tombé à terre comme une mouche qui serait passé deux centimètres trop près de la bouche de mon agresseur (et je dis ça par expérience, beurk.).
Après un rire gras qui ressemblait à « Ho ho ho ho ho ! », mon cher ami Ralph a prit mon argent sans le moindre scrupule quant au fait que je ne pourrai pas me nourrir le soir même. Il a caché son visage avec sa capuche, pour faire plus caïd où je ne sais quoi, et m'a envoyé valser avec un second coup bien placé. Sachant bien que j'étais déjà à terre … pour le plaisir de montrer qu’il était belliqueux aux badauds qui passaient par là. Je venais de remarquer à cet instant que sa capuche marron clair lui donnait l'apparence d'un caramel géant parfumé au roquefort. Mais bon, ceci étant fait, il est parti avec les deux autres personnes qui riaient de leur mesquinerie, même s'ils n'avaient rien fait. Les gens qui voyaient la scène se sont moqués de moi, m'ont pris en pitié, et, il me semble, m'ont pointés du doigt … cela m'a juste fait bailler sur le moment, parce que c'est fatiguant de se faire maltraiter... Tout de même, c'est tous les soirs pareils, ils devraient être habitués. Pensais-je sans cesse.
La routine.
N’osant pas bouger malgré tout, ressentant une légère douleur, je suis resté à terre une bonne trentaine de minutes, le temps que les gens se lassent. Cette fois ci la bataille fut quand même plus épique… je lui ai répondu ! C’est une première, j’en conçois. La nuit est tombée sans prévenir, assombrissant le paysage Bazzerien, et, les cailloux dans le dos devenant plutôt douloureux, je me suis décidé à me lever. Le réconfort m’attendait chez moi, après tout.
Je n’avais eu que très peu de temps pour repenser à cette histoire de racket. Sitôt rentré chez moi, je devais faire les tâches ménagères, car ça n’attend pas. Sur le chemin, j'ai remarqué une affiche où était écrit :
« LA TROUPE DE CIRQUE THEATRAL DISTORSION D. SERA EN VISITE DU 15 AU 20 JANVIER SUR LA PLACE PRINCIPALE DE BAZZER. ENTREE : 120 LASK PAR PERSONNE. »
L'image était belle. On y voyait Mister Distorsion, le monsieur loyal à la barbe en pointe, avec Sniper, son Hippocampe terrestre tireur d'encre, ainsi que tous les autres artistes de la troupe. J'étais très intrigué par le spectacle de Distorsion D. Ma mère m'avait une fois emmenée là bas, quand nous étions enfants, mon frère et moi. Ma sœur ayant peur des clowns, elle n'a jamais voulu venir. Une fois, je me souviens même d'être monté sur le dos de Sniper ! C'était un des rares moments de joie de ma vie. Ces moments où il manque un père …
Mes pensées m'avaient ramené bien loin en arrière, et j'essayais de me souvenir du visage de mon cher papa. Ma mère disait qu'il reviendrait un jour, et qu'il serait fier de voir comme nous avions grandi et comme nous étions devenus beaux. Mon grand frère se souvenait vaguement du visage de mon père : Il était brun, ou peut-être blond. Ses yeux étaient vairons comme les miens et il était grand, de plus il portait le même type de bouc que mon frère. Il était beau, massif et surtout très gentil. Moi, je ne me souvenais que de sa voix... claire comme le cristal, belle comme la note LA (selon mon frère) et surtout capable de rassurer les esprits et de réchauffer les cœurs.
J’ai ouvert la porte un peu plus brutalement qu’à mon habitude, ce qui a eu pour effet de réveiller Bel’, notre plante gardienne. Bel’, ou plutôt Belphégor était une plante verte gardienne à dents empoisonnées. Une espèce de la forêt de Lindsey, au nord de la ville. Elle n’a pas coûté bien cher…vu son caractère, ça se comprenait parfaitement, en fait. Il existe 5 types de plantes gardiennes : Belphégor est de rang D, c'est-à-dire quatrième dans un ordre croissant de puissance. Pas de quoi arrêter un bison brume ou un ours d’argent, mais assez utile pour nous débarrasser des voleurs du dimanche à la mode Bazzer à coup de morsures empoisonnées. Notre plante était verte à pois rouges, avec une tige dépassant les un mètre vingt, dans un pot en terre spécial lui apportant les nutriments nécessaires à sa survie, et avec des dents dont la longueur dépassait sans doute le plus long de mes doigts, mais je n'ai jamais fait le test, car je tiens à mes doigts pour tenir un stylo. Son « Nyaah » strident et répétitif donnerait à lui seul une bonne raison à un voleur de partir rapidement, mais qui s’en soucie, puisqu’un criminel moyen ne dépasserait même pas la porte d’entrée dans de telles conditions?
Bel’, dépourvu du sens de la vue, me reniflait un peu, comme d'habitude et commença à sortir la langue en esquissant un ronronnement significatif : « fais moi des grattouilles, ton frère ne me donne pas assez d’affection. » ou quelque chose dans le genre, car il est vrai qu'une plante n'a pas beaucoup d'endroits où l’on peut la gratter.
Mon frère, Vlad, devait sûrement faire un peu de musique dans la chambre. Je ne reconnaissais ni le groove de son saxophone, ni la teinte blues de sa basse … En fait, il devait sûrement pioncer. Je suis monté par curiosité, avant de me mettre à la cuisine. Seulement, arrivé devant la porte de sa chambre, j'ai surpris, bien malgré moi (Au début.) une conversation qui ne me ravissait pas plus que ça. Vlad était au téléphone avec une personne qui me manquait énormément.
… Alors comme ça tu ne rentreras pas avant une semaine…Mais je croyais que tu étais guérie ! … Dois-je le dire à Zenzen ? … Repose-toi.
Je n’entendais que des bribes. Je marmonnais « Arrête de m'appeler Zenzen, je déteste ce surnom. » quand le silence total se fit. Si Bel’ ne mangeait pas les mouches de la maison, peut-être qu’on les aurait entendues voler. Vlad est sorti précipitamment de son antre mais s'est arrêté net. Il m'a regardé, l’air désolé.
Ah, Zenzen. M'a t-il dit sur le ton de la désolation et de l'étonnement (curieux mélange.), comme si je l'avais surpris en train de se droguer où je ne sais quoi d'absurde.
Que se passe-t-il ? Et arrête de m'appeler comme ça! Ai-je répondu.
C’est maman. Elle n’est pas totalement guérie. M'a t-il avoué d'un ton grave et bien trop sérieux pour lui.
J'ai lourdement regardé le sol, les yeux embrumés. S’il fallait être sérieux, c’était le meilleur moment. Délia, notre mère, était atteinte d’une sorte de tumeur au niveau de l’estomac, et son état empirait sans cesse depuis maintenant deux longues années. Nos visites régulières à l’hôpital l’encourageaient, mais la tumeur grossissait chaque jour et cette maladie commençait à devenir très gênante. Les médecins préféraient ne pas se prononcer sur le dénouement de cette histoire, eux-mêmes très peu convaincus de l’efficacité de la chimiothérapie ici utilisée, bien qu’elle fût à l’origine de deux miracles, jusqu'à présent. Vlad et moi avons prié chaque jour pour que l'expression « Jamais deux sans trois. » marche. Encourager ma mère du mieux que je pouvais était une des raisons qui faisaient que je n’avais même plus le temps de me morfondre sur mes propres soucis, qu’ils soient scolaires ou personnels. Pourquoi les personnes exceptionnelles étaient malheureuses tout le temps? Je veux dire, mince quoi : Ralph était le genre de naze qui n'aurait jamais rien de ce genre, lui … Pas que je lui souhaite réellement d'aller à l'hôpital. C'est plutôt pour la forme que je dis ça.
Tomoe est au courant ? Ai-je demandé.
Pas encore, m'a répondu Vlad, pourtant sceptique. Il vaudrait peut-être mieux garder ça pour nous.
Elle a le droit de savoir ! Ai-je rétorqué en serrant les poings, mais mon frère n'a pas flanché une seule fois.
Tomoe était notre petite sœur, la plus jeune de la famille par conséquent. J’avais 17 ans, elle en avait 15, et Vlad en avait 19. Mon grand frère, bien qu’étant l’aîné, n’était pas le plus responsable de la famille, et pourtant nous devions tout de même lui obéir. Blond et d’environ un mètre quatre-vingt cinq, il était bien bâti et, paraît-il, assez beau garçon; cependant sa fainéantise légendaire lui a fait arrêter les études : Il s'est ainsi uniquement consacré à ses instruments de musique, dans l’espoir de percer dans ce domaine un jour.
« Rêveur », c’était ce à quoi l'on différenciait Vlad de Tomoe ou moi-même.
Ma petite sœur était sage.
Trop sage.
En vérité, nous pensions tous cela à cause de sa timidité grandissante…et qui s’accentuait encore plus vite depuis l’hospitalisation de notre mère. Tomoe était considérée par la majorité du genre masculin comme une magnifique jeune fille. Je savais qu’elle faisait chavirer un bon nombre de cœur, dans son collège, mais encore fallait-il qu’elle y prête attention. Ma sœur était une fille responsable et toujours à l’écoute. Elle n’était pas fermée d’esprit, bien au contraire ! Seulement elle avait cette incapacité chronique à parler aux autres, ainsi ne s’adressait-elle qu’aux animaux, qui la comprenaient sans doute mieux que Vlad et moi réunis. Les filles sont compliquées.
Écoute, Gozen. Elle ne le saura pas, un point c’est tout.
Vlad est descendu dans le salon sur ces mots.
Je m’en suis allé à mon tour, dépité.
Une heure est passée. La cuisine était enfin propre. Le dîner était en voie de préparation, mais cela s’annonçait rude. Je cherchais dans le frigidaire de quoi nourrir toute la troupe. Ralph ayant fauché l’argent que je réservais pour les courses, la préparation de mon fameux « Scio-menthe à la mode Neolia » s’avérait légèrement plus compliquée : surtout sans le Gelyscieur esseulé, l’animal (Et de ce fait l’ingrédient principal.) nécessaire à la réalisation de ce plat signé Roël Joe-bûchon, dont les gens prétendaient qu’il était et cuisinier et bûcheron. Allez savoir. Les Gelyscieurs esseulés étaient la variante bien connue d’une espèce toute autant connue : le Gelyscieur. Un Gelyscieur est un animal bipède de la famille des Reptiles hybrides Gelées (Ils étaient gélatineux et transparents.) originaire des plaines de Neolia, à l'ouest de Bazzer et donc à l'extrême gauche du continent de la pointe, juste à côté de l'océan d'étoiles. Les plus anciens Gelyscieurs atteignaient dans les deux mètres facilement et leur odeur était différente selon leur couleur, ce qui permettait de les classer en diverses espèces. Le Gelyscieur possède soixante douze dents disposées sur trois rangées, et qui tournent à la manière des tronçonneuses sur elles-mêmes, permettant de déchiqueter les matériaux les plus solides. Un Gelyscieur digne de ce nom peut avaler un humain en seulement cinq secondes, et lui réserves trois secondes d’intenses souffrances entre les soixante-douze mini tronçonneuses et l’acide gastrique nécessaire à la digestion. Seules cinq espèces sont connues actuellement : Le Gelyscieur rouge qui sent la fraise mais qui reste le plus agressif, le Gelyscieur vert qui sent la pomme mais qui est le plus rapide, le Gelyscieur bleu qui sent la myrtille mais qui possède un corps quasi indestructible, le Gelyscieur rose qui sent la pêche et qui permet à la reproduction des mâles de son espèce, et enfin le Gelyscieur esseulé.
L’esseulé est un individu albinos, rejeté par sa famille, sans défense particulière et qui sent étrangement la noix de coco. Celui-ci est rare, ce qui en fait un ingrédient de qualité et plutôt cher.
Je me suis résigné et j'ai fermé le frigidaire. Adieu le repas de fête. Une fois de plus, mon anniversaire allait se fêter comme tous les autres jours.
J'ai regardé le calendrier … Dix-sept ans aujourd'hui.
En fouillant dans les placards, j'ai trouvé trois conserves de soupe à la tomate. Cela nous fera bien tenir pour la nuit. Ai-je pensé.
La soupe chauffait dans un récipient prévu à cet effet. Une casserole auto chauffante conçue par la section électroménagère de « l'A.R.K ». Elle ressemblait en tout point à une banale casserole, sauf que le manche était couvert de boutons, ainsi l’on pouvait régler la température, la durée de cuisson et bien d’autres choses sans avoir à dépenser de gaz ou d’électricité (Sauf pour les piles bien entendu.). Je me lavais les mains en prenant bien soin de passer sous les ongles. Une pensée idiote m'a fait lever la tête et mon regard a nonchalamment croisé celui d’une statuette au regard impénétrable accrochée au mur par un clou et un fil. Kaärma, la déesse des récompenses et des punitions mais surtout du destin :
Membre compris dans les premiers êtres légendaires. Enfin c’est ce que disait l’Almanak.
L’Almanak est un livre énorme où sont relatés tous les faits depuis maintenant dix mille ans sur les relations entre les dieux et les espèces inférieures (c'est-à-dire moi), et qui a été publié dans le monde entier. J'ai froncé les sourcils, gêné par la présence de la statue. J'ai aussitôt détaché mon regard de l'objet en question … Kaärma…mais bien sur. Ces légendes stupides n’étaient que les affabulations de quelques moines en manque de vin. Du moins c’est ce que je pensais, car mes exploits contre Ralph où les problèmes de santé de ma mère prouvaient chaque jour que les récompenses, les punitions…étaient des choses surfaites, et que seul un imbécile pouvait encore croire aux miracles de la sorte. Seulement ma mère était une croyante de cette religion et disait depuis toujours à qui voulait l'entendre : « Un jour mes efforts paieront, Kaärma sait récompenser les plus forts. ». Vlad adoptait cette politique lui aussi, mais dans un angle différent encore. Moi, si je devais croire en quelqu'un ce serait Orion, car le temps est la seule chose de réelle à mon sens. Repenser à tout ça m'a fait souffler … Je me suis souvenu de ces interminables discussions théologiques avec ma mère, pendant qu'elle repassait. Elle m'expliquait que mon père était le plus fervent disciple d'Orion, et qu'il y avait énormément de raisons à cela. Je n'ai jamais su lesquelles. Quand avais-je perdu mon innocence et ma naïveté ? Moi-même je l’ignorais.
Un bruit sourd en provenance des escaliers m'a tiré brusquement de mes questions existentielles. Vlad a couru si vite qu'il en a raté une marche : Titubant légèrement a l’atterrissage, mais a priori rien de grave. Il s’est brutalement assis sur une chaise et a levé son assiette en m’ordonnant « Sers moi la bouffe, eh, toi, l'esclave ! ». L’exemple de la famille, tu parles.
J'ai pris un verre d'eau et l'ai soigneusement jeté sur la tête de mon frère en m'écriant « Oups, ma main a glissé. », avec toute la non sincérité du monde. Vlad, trempé, a enlevé son Tee shirt puis à marmonné un juron, et enfin il s'est tut. Il m'a souri cependant, et j'ai vu dans ses yeux pétillants toute la malice qui faisait son charme, à ce grand dadet, mais qui disait aussi « Je vais me venger, tu sais ? »
Tomoe descendait les escaliers beaucoup plus calmement. Elle s’est assise sur une chaise sans dire un mot et a prit sa cuillère en baissant le regard; sa frange blonde a alors couvert ses yeux. Je lui ai demandé si elle avait faim, et tout ce que j’ai obtenu comme réponse a été quelque chose d’imperceptible et qui a sonné comme un « ~~~un peu~~~ ».
Je lui ai servi de la soupe en souriant. Elle m'a regardé puis a vivement baissé la tête, tout en rougissant énormément. Je lui ai tapé dans le dos en riant et en disant « Tu vas exploser si tu continues à rougir, comme ça! » Mais elle n'a pas réagi et s'est contenté de manger. Mon sourire s’est effacé – Vlad l'a d'ailleurs remarqué – et je me mis a me demander quelle était la réelle situation de Tomoe, quels étaient ses sentiments, ses peines, ses joies, ses frayeurs … jamais je n'ai réussi en quinze ans à savoir ce qu’il passait par la tête de ma chère sœur. Vlad non plus. Peut être pensait-elle à maman, comme nous tous.
Chapitre 2: Je roue de coup une lampe de chevet.
La troupe et moi-même, une fois le dîner terminé, avons retroussés nos manches pour nettoyer la maison, juste avant de partir nous coucher. Cette dernière n’était pas bien grande, ainsi à trois cela mettait une demi-heure au pire. Je baillais en passant le balai, il était déjà vingt-trois heures.
Demain je me lève à cinq heures pour distribuer le courrier dans Bazzer. Ai-je pensé.
Pour subvenir aux besoins de la famille ainsi qu’aux études de Tomoe (Les miennes aussi, accessoirement, mais pour ce que j'en fais.), Vlad et moi nous levions vers cinq heures du matin pour distribuer le courrier, pour une petite compagnie anonyme qui travaillait pour le compte de « A.R.K Times », la partie « quotidien » de la société bien connue à présent.
Le soleil n’était pas tout à fait levé sur la cité. Vlad est parti cinq minutes avant moi. Son secteur était celui des ports boyaux : Une des parties glauques de la ville, bien que portuaire. Le maire a donné ce nom à ce port depuis l’assassinat des touristes et de l’équipage d’un paquebot entier, amarré juste pour une nuit. L’assassin, toujours inconnu, n’aurait soi disant plus jamais mis les pieds à Bazzer, mais comment en être sur si l’on ne le connaissait pas ?
Vlad n’était pas du genre a craindre ces racontars de vieux sur les bancs du parc des chanteurs quand le soleil de midi cogne dur. Mon secteur était celui de Bazzer Centre, à quelques minutes de la maison (Nous habitions en périphérie.).
Préparation rapide, histoire d'être propre. Je portais sur moi l'uniforme du lycée Nondöm : Un ensemble tee shirt blanc, Pantalon et veste bleu foncé, avec les armoiries de la famille Nondöm : Un renard des neiges zigzaguant entre deux flocons dorés. Les habits étaient particulièrement seyants et faisaient partie des seules choses que j'appréciais réellement dans ce lycée. Et puis je devais bien l'avouer, je n'avais pas vraiment assez d'argent pour m'habiller de diverses façons, alors porter l'uniforme du lycée constituait quatre vingt pour cent de ma garde robe actuelle. La ceinture qu'il nous forcaient à porter possédait comme boucle de ceinturon ladite armoirie de la famille créatrice du lycée.
Je me suis observé quelques instants dans le miroir. J'ai soupiré, en remettant mon col et ma cravate, libre de ses mouvements, en place : J'étais toujours le même blond … J'avais toujours les mêmes yeux vairons. A savoir un œil vert et marron … et ma taille n'avait pas bougé depuis presque trois ans. Ce petit mètre soixante treize qui faisait que je regardais la plupart des gens que je côtoyais en levant la tête.
J’ai enfourché mon scooter et je suis rapidement parti dans la direction souhaitée. La distribution du courrier a bien duré une heure. Depuis le temps que je faisais le même parcours, je commençais à jeter les lettres comme des projectiles, sans même prendre le temps de viser, et suivant la force du vent, cela marchait plus ou moins bien (j’avoue que cela marchait une fois sur cinq, mais je m'en fichais un peu.). J’ai stoppé mon scooter, pour contempler le même spectacle chaque jour avec le même malaise : L’usine A.R.K se trouvait devant moi. Derrière le grillage sur lesquels des barbelés étaient juchés stratégiquement, de manière à dire « On ne dirait pas comme ça, mais je peux donner le tétanos. » se trouvait un chemin a demi rocailleux. De l’extérieur nous pouvions apercevoir la façade blanche, immense, de l’usine, faite de métal et de plastique. Le sigle « A.R.K » était écrit en noir et juste en dessous se trouvait la fameuse arche avec l’étoile orange. De chaque coté de la structure se trouvait d’immenses turbines qui frappaient le sol avec un violent fracas, comme pour aspirer l’essence même de la nature, et la fumée jaunâtre qui s’en dégageait par un assourdissant « Pshhhh » remontait pour se mélanger à la fumée noire déjà bien toxique qui s’échappait à grande vitesse des cheminées extérieures, comme un train immense que l’on alimenterait en charbon, mais qui n’avancerait jamais. La porte était fermée. L’usine ouvrait à sept heures, et il n’était que six heures quarante-sept. J'ai redémarré mon scooter pour partir en direction de la maison, ayant terminé ma livraison matinale.
J'ai pris une pause de deux minutes, vers mon quartier, pour admirer la même vitrine tous les jours depuis maintenant huit mois.
La boutique d’antiquités « Naomé » était aussi fermée. Je me suis collé à la vitrine et je me suis senti rempli du même sentiment de désir qui m’envahissait chaque matin. Elle était encore là : Une clé en or, pas plus grande qu’un pouce, délicatement posée sur un fil noir à l'air usé et ancien. Cette clé possédait deux petites cornes en or et était ornée en plus d’une pierre précieuse qui semblait être un rubis. J'ai ravalé ma salive et je suis rapidement parti. Je ne comprenais pas pourquoi, mais cet objet, plus que n'importe quel autre objet jusqu'à présent, m’attirait … Je connaissais bien le gérant, à force de venir pendant les heures creuses, et celui-ci m’avait un jour expliqué qu’un homme lui avait donné le bijou, il y a de cela deux ans, en précisant que ce collier trouverais de lui-même son porteur, car telle était son utilité. Comment un collier pouvait avoir une quelconque utilité ? C'est aussi cette part de mystère qui me donnait envie d'être le porteur du collier … Cependant, depuis le temps que je le regardais, il aurait dû se rendre compte de ma présence. J'ai alors abandonné tout espoir de l'avoir autour du cou.
Je suis rentré en hâte à la maison. Bel’ dormait à point fermé, une bulle de sève pendait de son bulbe, je l'ai éclaté rapidement et il se réveilla en sursaut :
Pas le temps de buller, Bel', tu as une maison à garder, je te signale.
J'ai gravi les marches de mon escalier deux à deux. Mon sac devait probablement être jeté au pied de mon lit. J'ai tout de même pris la peine de m'accorder une minute de silence, constatant avec plaisir le calme apaisant qui régnait. La maison n’était pas aussi bruyante que d’habitude, et a priori Tomoe était déjà partie. Cette quiétude m'a fait légèrement sourire. Ces instants de plénitude étaient rares, par les temps qui courent. J'ai tranquillement ouvert la porte, apaisé par le calme ambiant, et … c’est à ce moment là que ma vie a pris un tournant assez inattendu.
J’ai étouffé un cri de stupeur, mais il était trop tard pour ce genre de choses. Deux personnes, que je n’avais jamais vues en dix-sept ans d’existence, se reposaient dans ma chambre. L’un somnolait sur mon lit, et l’autre lisait une bande dessinée de ma bibliothèque. J'ai reculé d’un pas, pour examiner les deux individus qui, à priori, se fichaient totalement de ma présence. Celui qui se relaxait sans ma permission sur mon lit portait un tee shirt noir pile a la bonne taille mais déchiré au niveau du ventre et des manches, avec un énorme signe « Anarchie » en jaune, un pantalon noir rougeâtre tout autant déchiré et orné de chaînes en métal couleur fer. Sur son crâne se trouvaient deux cornes aux reflets d’ivoire, en partie cachées par ses cheveux mi-longs et noirs, ainsi qu’une queue encore plus foncée qui finissait en pointe de flèche. Une canine dépassait de sa bouche, comme un vampire, et il portait d’énormes bottes faites de cuir et de fer, décorées avec les mêmes motifs que son pantalon, et il dégueulassait bien entendu mon drap blanc en mettant les pieds dessus. L’autre personne était habillée beaucoup plus simplement. Cheveux légèrement plus courts mais en bataille, avec d’immenses yeux bleus ainsi qu’une étrange auréole sur la tête, il était habillé d’une veste, d’un tee shirt et d’un pantalon d’un blanc aussi immaculé que ses baskets. Il était tellement lumineux que cela donnait l’impression qu’il lui était impossible de se salir. Sur son Tee shirt il y avait pourtant le motif d’une énorme tête jaune qui souriait. Il n y avait ni un pli de travers ni une marque de vêtement froissé. Le garçon en noir était propre, certes, mais son compagnon était impeccable de presque tous les côtés. Seuls ses cheveux, d’un blond presque doré, étaient parsemés d’épis, brisant l'harmonie qui émanait de lui. Enfin ça lui allait bien de toute façon, et niveau épi j'étais gâté aussi. Tellement gâté que j'avais décidé il y a très longtemps de faire de mes épis ma coupe de cheveux.
Je suis allé en fonçant dans la chambre de Vlad sans demander mon reste et j'ai pris sa batte de Base-Ball. Je suis rentré dans la chambre en furie et j'ai menacé les intrus en agitant la batte un peu partout, ce qui a juste eu pour effet de briser une de mes lampes de chevet et de me faire baisser la tête. J’avais été ridicule, j’en conviens. Je n'étais pas très menaçant, il faut dire. Les deux adolescents se sont regardés et ont éclatés de rire. Charmant.
Ces mêmes personnes, d'un bond, se sont levées pour se mettre à ma hauteur. Le garçon aux cheveux blonds, qui avait visiblement le même âge que moi, a tendu sa main et m'a souri d’un air amical. Je lui ai serré la main, perplexe. A ce moment là j'ai senti une vague d’énergie qui a violemment parcouru l'intérieur de mon corps, comme une décharge électrique. J'en ai eu des frissons.
Qui êtes-vous ? Ai-je demandé.
Tu ne te souviens pas de nous ? A dit le blond.
Comment pourrait-il ? A rétorqué le brun. N'oublie pas que c'est la première fois qu'il nous rencontre.
Oh … C'est vrai. Seulement, ça fait mille ans. Il a aussi l'air plus jeune.
Tu sais comment est Orion … Enfin. Gozen, est-ce que tu as la clé ?
« Gozen ? » … Comment connaissait-il mon nom ? J'ai été frappé d'un étrange malaise, qui m'a donné la migraine. La sensation de connaître quelque chose, sans l'avoir vécu. Comment ces personnes pouvaient-elles me connaître, alors que je ne savais pas moi-même qui elles étaient … ? Surtout que … Leurs visages m'étaient familiers.
Non mais … Qui vous êtes, sincèrement ?
As-tu la clé ? Demanda le blond avec un grand sourire qui, étrangement, inspirait confiance.
… Quelle clé ?
Les deux entités se sont d'un coup regardées. « Il n’a pas la clé. » « J’ai entendu figure toi. » « Que fait-on ? » « On dégage, ça sert à rien de traîner là si il n’a aucun moyen de nous aider. »
Ils sont partis dans un léger halo lumineux. La chambre était de nouveau silencieuse. J'ai regardé dans le vide, complètement perplexe. Que s'était-il passé, à l'instant ? Je suis resté dans la même position une bonne minute puis j'ai finalement décidé de ranger le cadavre de lampe qui traînait à côté de mon lit. Le sac sur le dos, j'ai foncé en direction du lycée. Être en retard signifiait ma mort, dans certains cas.
Chapitre 3 : Je lance des éclairs grâce à des cornes invisibles
La porte du lycée n’était pas encore fermée. J’avais arrêté de courir depuis cinq bonnes minutes, trop fatigué des récents évènements qui, je dois l’avouer, m’avaient un peu vidés. J'ai soufflé. Derrière le grillage principal du lycée se trouvait Ralph. Je n’avais pas été plus rapide que lui aujourd’hui, je voyais sa capuche dépasser du muret intérieur.
Je me suis raclé la gorge et je suis parti lentement dans sa direction, en espérant qu’il ne me remarque pas dans la masse de lycéens. Je me suis toujours demandé ce qui faisait de moi plutôt qu’un autre une cible de choix pour Ralph. Je veux bien admettre que je ne suis ni le plus fort ni le plus courageux des adolescents, cependant il me semblait que d’autres types étaient plus qualifiés que moi pour se faire tabasser quotidiennement. Ralph m'a quand même vu. On ne peut pas gagner à tous les coups. Il m'a pris par le col et son sourire n’annonçait rien de bon, bien entendu. Il m'a jeté par terre et a ri de bon cœur … « Bon cœur » et Ralph ça sonne tellement faux dans la même phrase que je préfère encore que vous oubliez ma dernière pensée.
Je me suis essuyé la bouche à cause de la poussière qui s’était posée sur mes lèvres et j'ai reculé d’un pas. Je ne pouvais rien faire dans ces cas là. Un « tss » a fait écho dans la cour du lycée. J'ai instinctivement levé la tête (Ne me demandez pas pourquoi.) Et j'ai vu ces deux types … Eux !
Les deux personnes dil y a une heure étaient assises sur le muret et regardaient le spectacle. Cependant personne ne semblait prêter attention à eux.
Vous ? Ici ?
T’étais plus balèze avant … a dit le brun.
Combien de fois vais-je devoir t'expliquer qu'il n'a pas encore vécu ces évènements ? Comment peut-il être plus fort, sans même avoir la clé du temps ? A expliqué son compagnon, l'air désolé.
Je n'ai pas répondu. Il était évident que ces deux dingues s'amusaient à mes dépends.
… Mais bon. Ça serait bête que ce tas de muscles te mette en morceaux maintenant, a avoué le brun.
Dites, si c'est pour vous foutre de moi, vous pouvez aussi rejoindre la foule, par là.
J'ai constaté que Ralph se demandait ce que je faisais. Comme s'il ne voyait pas les deux jumeaux, sur le mur.
Bah. Nous ne sommes pas ici pour nous moquer, mais pour t'aider. A expliqué le brun.
Vous … Allez vous battre avec moi ?
Pas avec toi. A dit le blond. A l'intérieur de toi.
Que … ?
Tu as cinq minutes, profites en bien ! A crié le brun avant de se jeter sur moi.
J'ai senti une aura particulière m’envahir. Je me suis lentement redressé. Sensation étrange. Comme si on squattait mon esprit. Tellement de puissance. J'ai eu envie de rire un bon coup, sans même en comprendre la raison. Les bras ballants, car je ne les contrôlais plus, je me suis avancé vers Ralph. Qu'est ce que mon corps avait prévu, comme coup tordu ? Je n’étais plus maître de moi-même, en tout cas.
Ralph a reculé d'un pas à son tour. Les experts pourraient croire à un miracle, moi j'ai juste pensé qu'il avait perçu le changement. J'ai dégagé une mèche de cheveux qui me gênait, et l'ai regardé droit dans les yeux. En tout et pour tout il me semble avoir marmonné « Tu as cinq secondes. »
J'ai senti en moi une vague de chaleur qui s'est inexplicablement transformée en désir accumulé de vengeance. C’était une sensation bien trop étrange pour être décrite avec des mots.
Je me suis jeté d'un bond sur Ralph et lui ai asséné le coup de poing de sa vie … Et de la mienne aussi. Ma frappe l'a fait reculer d’un bon mètre, à peu près. Je ne sais pas s’il a eu mal, mais pour le coup, il a été plutôt vexé de s'être fait avoir comme une racaille des bacs à sable. Il s’est essuyé le nez et a crié un truc incompréhensible, tellement c'était fort et sauvage. Et par sauvage j'entends bien « primitif ».
Aveuglé par la colère, celui que j’avais frappé m'a sauté dessus comme un fauve, pour me mettre finalement à terre. Sa vraie force s'était enfin révélée, après tout ce temps. Mais pour dire vrai, la mienne aussi a décidé d'apparaître.
Il m'a frappé au visage à une telle vitesse que le sol s'est rétracté au fil de ses coups. Il avait des poings en acier ?
Je souffrais mais je m’en fichais. A ce niveau là, plus rien ne comptais.
Je l’ai éjecté d’un coup de pied dans le ventre. Ma vitesse et ma force s’étaient décuplées, c’est un fait, en dépit de ça, le brun contrôlait parfaitement bien mon corps, alors c'était dur de lutter. Le garçon blond regardait la scène attentivement. Les deux compagnons de Ralph m'ont tenu les bras, et je me suis retrouvé immobilisé en un instant. Ralph m'a foncé dessus avec une vitesse prodigieuse et m’a cogné avec un coup de pied dans le ventre d’une telle force que j'ai cru que sa jambe m’avait traversé. Les gens autour de nous criaient « COMBAT ! COMBAT ! » Mais d’autres, silencieux, se contentaient simplement d’observer nos mouvements. Une voix a résonnée dans ma tête. Tout d’un coup l’atmosphère était devenue beaucoup plus calme. J’étais comme transporté. Une lumière m’a aveuglé pendant une seconde et j’ai eu la vague impression de flotter dans les airs. Celui qui me contrôlait se tenait devant moi, les bras croisés. Il était imposant.
Où suis-je… ? Ai-je demandé.
Ici ? Eh bien … c'est ton esprit. Mais … il est tellement blanc que c'est à se demander si tu as déjà fait une mauvaise action dans ta vie.
Euh … tabasser Ralph, ça ne compte pas comme une mauvaise action ?
Bof … Ouais, mais non. C'est de la légitime défense après tout.
Appelle ça comme tu veux. Pourquoi je suis ici ? … Je ne suis pas mort, hein ?
Tu veux rire ? Si tu meurs à cause de lui, tu ne vaux pas grand-chose.
Pas faux. Mais pourquoi mon esprit est-il si blanc, dans ce cas ?
Ne t'inquiète pas. Après la correction que tu vas mettre à ce crétin, il y aura des changements, ici. Mais tu le verras bien assez tôt.
Je ne suis pas pressé.
Je vais t’avouer quelque chose. – Il s’est assis. – Je ne suis là que pour te booster un peu. Il faut que tu saches que mon seul rôle dans ce combat est de stimuler ton énergie mentale pour te faire comprendre la situation dans laquelle tu te trouves. En outre peut-être consentirai-je à t'expliquer notre présence ici si jamais tu voulais bien en finir avec lui … ?
C’est qu’il est fort…
Tss, tu parles. Je ne vais pas rentrer dans les détails mais écoute moi bien : Dès que tu seras sorti d’ici, tu vas prononcer à voix haute les mots que je vais te citer, ils auront pour but d’activer un de mes pouvoirs à distance.
Mon interlocuteur m'a donné de simples instructions.
Non mais … y a aucun moyen que je crie ça en public, c'est vraiment …
T'as envie de mourir ?
Non, mais …
Alors on s'en fout. De toute façon les gens sont tellement fascinés par le spectacle qu'ils ne t'écouteront même pas.
Je suis sorti de mon esprit comme j’y étais rentré : Sans savoir comment.
L’ambiance brutale du combat, dont je m’étais éloigné quelques minutes, est retombée sur mon cœur comme un choc. Je me sentais toujours possédé. Cela serait sûrement ma dernière action. Il était temps d’en finir. J'ai crié à haute et intelligible voix les mots qu’il m’avait confiés :
« Thunder Spark ! »
Mon corps entier a tremblé. Une énergie considérable semblait s’être relâchée. Une queue similaire à celle du type brun était sortie de mon pantalon sans que je lui donne ma permission et s’était plantée d’elle-même dans le sol. Mes trois agresseurs ont été électrocutés avec une puissance capable d’alimenter le lycée entier. Lycée qui, au passage, a prit énormément de dégâts. Les éclairs ont valsé un peu partout, et l'un d'eux s'est dirigé sur la salle de sciences physiques, qui a explosé. L'explosion de la salle de chimie en a entrainé une autre, puis encore une …
J’ai offert un vrai feu d'artifice aux gens présents, et le proviseur allait sûrement me virer. Ralph et ses complices sont tombés et ne se sont plus relevés. La queue a disparue, et, fatigué, je me suis assis par terre. Il avait en tout cas quitté mon corps, le brun. J’étais blessé et mes habits étaient brûlés à certains endroits. Mes trois ennemis ne bougeaient plus. Ils étaient morts sur le coup. J'ai dégluti. Moi ? Un meurtrier ? Jamais ! … Et pourtant ...
J'ai regardé autour de moi, très peu confiant quant à la hausse de ma popularité. Personne n'est parti. Les lycéens me regardaient fixement, complètement choqués, voire apeurés. Personne n’osait faire un pas en avant ou en arrière. Il régnait un silence de mort … Bon, il faut dire qu'il y avait trois morts, aussi, mais ce n'était pas une raison. Je me suis levé d’un bond et, effrayé par mes propres actions, me suis enfui du lycée, qui n'était plus qu'un tas de … plastique fondu et de pierre ? Quelque chose comme ça.
Au bout de vingt minutes de courses je me suis retourné. Personne. J'étais complètement seul. Les deux entités n’avaient pas l’air d’être ici elles non plus. Je suis allé en direction de ma maison … Il me fallait du repos.
…Qu’en penses-tu, mon frère ? demanda le blond, assis sur un toit.
J’ai vu la pureté de son esprit. Une aura rare. Bien plus rare que la nôtre … et plus puissante, répondit son frère, adossé contre un grillage, juste à côté.
Comment ça ? demanda le blond, curieux.
Quand il a prononcé les mots. Il a réussi à m’extorquer de la puissance, à moi ! Ce que je veux dire, c’est que « Thunder Spark » n’était censé que paralyser ses adversaires. Il a réussi à tripler la puissance de mon attaque, juste par la seule puissance de sa colère. Ni toi ni moi n’aurions fait mieux à ce seuil d’entraînement quasiment nul, répondit le brun.
Lucio… Il lui faut la clé.
Je le sais ! Mais lui, il ne s'attend certainement pas à vivre autant d'aventures.
Tu sais ce qui me fait sourire ?
Quoi donc, Shin ?
Que son futur soit notre passé, et que notre futur sera son passé.
Orion est quelqu'un de mystérieux.
Oui, il faut croire. Mais le futur n'est pas forcément exact. Après tout nous ne savons pas ce qui l'attend. Nous savons juste que l'histoire ne sera pas établie tant qu'il ne sera pas allé là-bas …
Tu as raison Lucio, il pourrait bien…sauver le monde entier.