J'étais arrivée à Toadville depuis quelques jours. N'ayant pas d'argent, je dûs dormir dans la rue et mendier afin de me nourrir. Bien que certains villageois se montrèrent généreux, je doutais que je puisse survivre longtemps de cette façon.
L'idée de me laisser mourir m'était passée par la tête. Je n'étais plus à ma place dans ce monde... Sans compter que je me sentais vide. Comme si presque plus rien ne m'animait. Qu'était mon but dans la vie désormais ?
Cependant, il semblerait que j'avais quand même une certaine volonté à vivre. Du coup, il me fallait trouver une façon de faire de l'argent. Je n'avais jamais eu d'autre travail que celui d'héroïne, do-... Je me souvins alors que ce n'était pas la vérité. J'avais également été chanteuse. Je réalisai que je pourrais chanter de la rue afin de me faire de l'argent.
Au soir, je me positionnai au milieu du parc et fit apparaître ma lyre après avoir posé un petit verre sur le sol. Je me mis alors à jouer la première mélodie qui me vint en tête, que je jouais pendant l'ère de la Pandorica. Puis, j'improvisai un chant pour accompagner mon instrument.
Ce fut la première fois que je ressentis réellement quelque chose depuis mon retour. Je me remémorai mon amour de la musique. Je me remémorai le temps où je débordais de vie.
La plupart des habitants passèrent sans s'arrêter, vaguant à leur occupation. J'en fus un peu étonnée, puisqu'à l'époque je me souvenais de l'amour de la musique qu'ils portaient en eux. Cependant, il fallait bien avouer que nous nous trouvions dans un temps trouble, où l'environnement passé était subitemment devenu le présent. Je ne leur en tenais pas rigueur. Puis, certains individus commencèrent à s'arrêter, quelques-uns plus loin dans mon champ de vision et d'autres plus près. Parmi eux se trouvait une elfe aux longs cheveux bleus qui me sourit. Je lui souris en retour.
Je vivais à travers la musique. Soudain, l'inconnue se mit à chanter avec moi. L'harmonie entre nos deux voix était parfaite. Prise dans le moment, je fermai les yeux, mes doigts pinçant toujours les cordes de ma lyre avec délicatesse pour nous accompagner. Même si je ne gagnais pas d'argent au final, cela me permit de me souvenir un peu de qui j'étais. La dernière note s'évapora dans l'air, ne laissant plus que les murmurs de nos spectateurs. J'ouvris les yeux et constatai que nous avions attiré un petit public.
Voyant que notre performance était terminé, certains s'approchèrent pour déposer des pièces de monnaie dans le verre posé sur le sol devant moi. Je les remerciai tout en faisant disparaître ma lyre. Je me retournai ensuite vers la jeune fille.
— Quelle jolie voix. Tu as... une belle âme.
Comment le savais-je ? Je le sentais, tout simplement. Comme lorsque je n'étais qu'une omniprésence, je pouvais voir des choses invisibles aux êtres normaux. Et même si j'avais de nouveau un corps, il semblerait que j'avais conservé un peu de cette habileté. Je ne pouvais pas savoir ce qui se passait à Hyrule, mais cette elfe qui se trouvait devant moi, je la savais bonne.
Alors que je me penchai pour ramasser le verre, ma main disparut momentanément et il tomba sur le sol. Les pièces qu'il contenait s'éparpillèrent et je me baissai pour les ramasser tout en regardant la demoiselle.
— As-tu besoin de cet argent ?
Si c'était le cas, je pensais lui donner toutes les pièces. Tant pis si je devais trouver un autre moyen de gagner de l'argent. Ma souffrance importait peu et je n'étais qu'à moitié réelle.
La jeune fille sembla surprise par mes mots. Elle s'exclama que c'était la première fois que quelqu'un lui disait cela et qu'elle ne savait pas quoi me répondre. Je souris alors qu'elle commençait à pleurer. Je n'aurais pas cru que cela aurait un tel effet sur elle. Elle me remercia puisque, apparemment, ma voix l'avait ramené à la raison. J'en conclus qu'elle devait être dans un état particulièrement sensible, peut-être dû à un combat intérieur.
— De rien. Si j'ai pu t'aider, j'en suis heureuse.
Tel était le pouvoir de la musique. Alors que je ramassais l'argent tombé à cause d'un de mes glitchs, je lui demandai si elle en avait besoin. Je ne savais pas sa situation alors on ne savait jamais... Elle secoua la tête en guise de non et je me relevai quand j'eus terminé de prendre toutes les pièces. J'allais donc pouvoir m'acheter un petit repas avec ça. L'elfe reprit parole et je levai les yeux vers elle.
Je l'écoutai avec attention et ses propos piquèrent mon intérêt. Nous étions des étrangères et pourtant, cela ne me semblait même pas si bizarre que ça qu'elle me raconte tout ça. Du coup, contrairement à ce qu'elle pouvait penser, je ne la trouvais pas folle. Elle voulait m'aider ? M'aider... à quoi ? J'allais répliquer, mais une fillette nous interrompit. Elle nous remercia de nos chants et nous fit cadeau de son cerceau. Elle croyait que nous étions soeurs... Pourtant, nous ne nous ressemblions en rien...
Je regardai la gamine s'éloigner avec un sourire. À l'exclamation de l'elfe, j'écarquillai les yeux. Comment était-elle parvenue à cette conclusion ? Je me positionnai face à elle.
— Non, tu n'es pas morte. Tu es ici et maintenant. Vivante. Bien plus que je ne le suis... Je suis touchée que tu veuilles m'aider mais... je n'ai pas de but. Je ne suis même pas censée être là. Je suis sûre que tu sauras trouver qui tu es ! Mais moi... je ne suis personne.
J'avais beau avoir un prénom, désormais il ne signifiait plus rien à mes yeux. Ce n'était qu'une appellation, rien de plus. Ou alors un vestige du passé, de cette femme que j'étais. Celle qui voulait défendre le monde et qui aimait de tout son être. Chanter m'avait rempli de chaleur, mais cette chaleur n'appartenait pas à cette époque.