Horuna était une cité prospère. Gozen savait parfaitement à quoi s'en tenir en entrant dans un tel lieu. Il plaqua son masque vénitien sur le visage pour simuler être un humain standard et se posta aux côtés de Magicka, parfaitement emmitouflée dans sa cape. Le palais d'Horuna était au centre de la grande ville qui, assez futuriste, ou plutôt fallait-il dire contemporaine, regorgeait de mystères palpables pour le duo. Gozen s'élança en premier en direction du grand château. Devraient-ils convaincre les gardes ou s'annoncer comme héros de Nintendo World ? Sinon s'infiltrer ? Les options étaient nombreuses et diversifiées et pourtant aucune ne semblait coller à l'extra-terrestre. Lui qui avait pris l'habitude de faire ce que bon lui semblait, vivre dans un monde aussi régulé ne lui collait que très mal à la peau. Magicka, en revanche plus tempérée, décida d'ordonner la marche à suivre pour eux deux. De son point de vue, s'annoncer comme étant originaire de Nintendo World pour obtenir une entrevue semblait être le meilleur plan.
- Elle nous le doit bien, lui assurait-elle.
Gozen l'entendait d'une bonne oreille. La traversée de la ville fut quelque peu compliquée. Ils n'étaient pas habitués aux règles du code de la route et manquèrent de se faire renverser plusieurs fois par des automobilistes, et la voie des airs était à proscrire à cause des nombreux drônes qui circulaient dans le ciel de Next Wave. Plus Gozen y pensait, moins l'endroit lui paraissait sécuritaire pour quelqu'un dans son genre. Du reste, et pour soutenir les mots d'Axem, il restait ici plus puissant que tout le monde et voyait difficilement un moyen pour les civils de le stopper dans son ambition s'il décidait de se déchaîner. Le palais en vue, Gozen se plaça en retrait et laissa Magicka, plus diplomate, opérer.
Magicka alla discuter avec les gardes. Gozen, au loin, l'observa faire et écoutait d'une oreille attentive ce qu'il se disait. Les négociations durèrent quelques longues minutes. La sorcière, emmitouflée dans sa cape, conversait avec les deux chevaliers modernes en leur sortant de solides arguments. Une fois fait, ils se regardèrent puis acquiescèrent, libérant le passage pour une unique fois. La demoiselle fit un petit sourire à Gozen et lui indiqua que c'était le moment ou jamais. Il ne se pressa pas.
A l'intérieur du palais, tout était faste, à un point que l'extra-terrestre lui-même trouvait cela d'un mauvais goût. Mais quand il y pensait, il semblait tout naturel que le richesses convergent vers la seule autorité de toute une planète. D'un autre côté, chaque ville semblait prospère et il ne pouvait nier qu'un havre de paix se formait devant ses yeux. Gozen se posait encore la question de s'il fallait vraiment trouver un moyen de rentrer chez eux ou s'il leur était possible de s'accoutumer à ce nouveau monde. Des héros tels que Link luttaient de toutes leurs forces pour rentrer et Gozen connaissait bien ce genre d'individus, prêts à provoquer le chaos pour atteindre leur but, se disant que de toute manière, personne ne se souviendrait de cicatrices qui n'avaient jamais été réellement produites.
Magicka quant à elle était sereine. Elle regardait droit devant elle sans se soucier de ce que les grands vitraux pouvaient lui montrer. La cour extérieure était emplie de gardes s'entraînant durement. Et ils montèrent les escaliers inlassablement. Un étage, deux étages, trois étages... pour finalement atterrir dans une grande pièce carrée faite de rouge et d'or. La reine, Astrid, les attendait, patiemment assise. Il y avait à ses côtés une chevalière au regard strict et, même s'ils ne le soupçonnaient que peu, se trouvaient dans l'ombre quatre ninja astucieusement camouflés et prêts à bondir à tout moment.
- Je n’apprécie guère ce manque de confiance,avança Gozen à la reine de l'Humanité, marchant lentement dans sa direction.
La chevalière dégaina sa lame, prête à saisir la première occasion pour frapper, mais Astrid se leva et s'approcha à son tour, la main tendue en signe de paix. L'extra-terrestre observa ses déplacements lancinants, dignes d'une demoiselle.
- Je m'excuse, héros... mes gardes sont suspicieux vous concernant, et il faut les comprendre. A leurs yeux, vous êtes des éléments extérieurs venant interférer avec notre quiétude. Mais je ne suis pas comme cela. Vous et moi savons très bien ce que c'est... de provenir d'un monde différent de tout un peuple.
Gozen tiqua. Que voulait dire cette phrase ? Elle était bien ficelée. Un millier d'options s'ouvrit alors à l'extra-terrestre qui, le regard faussement vide, resta stoïque malgré les bouillonnantes apparences qu'insinuait son esprit. Magicka resta en retrait, observant la scène silencieusement. Gozen, qui n'avait pas quitté le regard de la reine, exposa à Magicka d'une voix plus douce que d'ordinaire :
- Tu vois, je me rends compte que depuis que nous sommes arrivés sur Next Wave, c'est la première fois que je prends le temps de regarder notre souveraine. Et quelque chose m'étonne à ce sujet.
- C'est impoli de parler de quelqu'un sans s'adresser directement à lui, n'est-ce-pas ?Répondit Astrid en conservant son sourire.
Gozen l'observa quelques secondes supplémentaires puis soupira, haussant les épaules nonchalamment, ce qui surprit la sorcière. Il fit un tour sur lui-même puis, du bout de l'index, tira plusieurs rayons qui détruisit les cachettes où les ninjas attendaient patiemment. Les trois hommes ainsi que la femme concernés disparurent puis se matérialisèrent aux côtés de leur souveraine. Gozen, dos à la reine, tourna la tête dans sa direction, de trois quarts, et lui jeta :
- Vous savez, quand on vient en paix, on s'attend généralement à recevoir un accueil pacifique. Et moi, je trouve ça suspicieux.
- Je vous l'ai dit...
- Je n'en ai drastiquement rien à faire de ce que vous avez dit plus tôt. Je viens simplement quémander quelques réponses, et il est de votre devoir de me les fournir. C'est bien ce que vous avez dit plus tôt, lorsque nous nous sommes réveillés, n'est-ce-pas ? "N'hésitez pas à me déranger à la moindre occasion"
Une petite coupure de courant, d'une seconde seulement, plongea la pièce dans le noir. Lorsque le courant revint, Gozen tenait au bout de chaque bras le coup d'un des Maniwas, les ninjas protecteurs d'Astrid. Le troisième se trouvait à ses pieds, prêts à le trancher, et la quatrième au dessus de lui. Gozen ferma les yeux et tourna une nouvelle fois sur lui-même, balayant les deux ninjas en se servant de ceux qu'ils tenaient. Magicka, les mains à sa bouche, avait reculé d'un pas.
- Que... que signifie tout ceci ?Cria la Staÿlis.
- Je vous en prie, calmez-vous, répondit la souveraine. Mes gardes du corps sont très réactifs. Relâchez-les. Maniwas, vous pouvez disposer, il n'y a aucun souci à vous faire me concernant. Toi aussi, mon Néphénie.
- Mais ma reine...
- Il suffit ! Ne contestez plus mes ordres ! Quant à vous... Gozen. A peine réveillés, et nous avons eu vent de vos... exploits. Mais je suis désireuse de m'entretenir avec vous. Et aussi avec Magicka. Alors allez-y, demandez moi tout ce que vous souhaitez, et je ferai en sorte de vous répondre avec la clarté qu'il m'incombe en tant que souveraine.
- Dans ce cas-là je commencerai par la première question de mon interrogatoire.
Astrid resta stoïque face à cette question qui, d'apparence, semblait pourtant si banale. En vérité, il y avait beaucoup de choses à répondre mais Gozen n'attendit pas que son interlocutrice se décide à cracher le morceau et affina sa question pour obtenir un argument plus satisfaisant.
- Qu'avez-vous à gagner en apportant le chaos au sein de votre utopie ?
- Je ne suis en aucun cas responsable de votre réveil. Celui-ci était programmé,répondit-elle en lui faisant face sans ciller.
- Je vois. Pourtant, il y avait dans cette boîte des individus d'une extrême dangerosité. Mais vous en avez conscience, n'est-ce-pas, puisque vous connaissez mon prénom ?
- Les légendes vous précèdent, Gozen. Vous et vos compagnons êtes sujets d'exploits qui transcendent le temps lui-même. Next Wave existe depuis un millénaire, ce qui est à la fois beaucoup et bien trop peu pour oublier totalement les échos de la destruction.
- A plus juste titre s'il y avait quelqu'un pour les raconter. Dame Astrid, j'ai toutes mes raisons de croire que, pour une raison ou une autre, vous venez de Nintendo World.
Elle resta silencieuse quelques secondes et lui répondit :
- Qu'est-ce qui vous fait croire une telle chose ?
- Eh bien... même si cela ne se voit pas, j'ai conservé un petit quelque chose d'un vieil ami à qui j'ai emprunté ce corps pour une durée indéterminée.
Les pupilles de Gozen prirent la forme d'un X.
- Ces lentilles de contact fort pratiques permettent de connaître les données rudimentaires des gens à qui je m'adresse. Notamment leur âge. Pourquoi le votre est inconnu ?
Astrid retint sa respiration et poussa un petit cri de surprise. L'extra-terrestre ferma les yeux une seconde, le temps de dissiper la faculté de ses lentilles de contact et soupira.
- Pour être franc, ce n'est pas ce qui m'importe le plus. Moi-même je ne connais pas mon âge. Je voudrais comprendre pourquoi avoir conservé notre héritage ? En admettant que ma théorie soit juste et que vous veniez de Nintendo World, vous n'avez rien à gagner en racontant notre histoire, sachant que nous ne savons pas nous même ce qui a provoqué la rupture entre nos deux mondes. Vous devez le savoir, nous nous sommes réveillés sans connaître l'origine de notre sommeil. Il s'est passé quelque chose que nous n'avons pas pu arrêter et aucun d'entre nous n'en a le souvenir. Vous n'aviez rien à gagner en nous laissant exister.
- Ce n'est pas comme cela que les choses fonctionnent,lui répondit-elle sèchement, j'ai simplement préparé votre arrivée. Tu as raison, vous êtes tous de phénoménales puissances et il aurait été difficile de vous contenir sans bien connaître le sujet. Je connaissais en effet la date de votre réveil mais je suis pourtant incapable de vous dire ce qui a provoqué la fission entre les mondes. Le fait étant que vous avez raison. Je suis moi aussi sortie de la Pandorica, il y a de cela mille ans. Je suis, tout comme vous, un Héros.
- Mais le peuple ne doit pas le savoir, n'est-ce-pas ? Peut-être le savait-il il y a de cela mille ans, lorsque vous avez commencé à bâtir cette civilisation à partir des ruines du passé, sans comprendre ce qui avait détruit votre monde. Mais vous avez réussi à bâtir une société sans Héros, pourtant basée des pionniers provenant de Nintendo World. Oui, ce monde est simplement une restructuration artificielle de Nintendo World, que vous avez modelé au fil des siècles. Vous avez toujours été la souveraine depuis le commencement. Mais ça, le peuple le sait.
- Simplement pense-t-il que je suis la première femme née sur Next Wave.
- Une Eve soi-disant née d'un passé légendaire et ayant apporté la vie autour d'elle. Next Wave est un paradis né à partir d'un mensonge et vous en êtes l'idole depuis maintenant un millénaire.
- Vous n'auriez rien à gagner en racontant cela à qui voudrait l'entendre, à part vous faire qualifier de fou.
- Cela n'a jamais été mon intention. Votre peuple est formaté, plus rien ne saura lui faire entendre raison. Même si je vous tuais devant le monde entier, rien ne changerait. Vous êtes bien plus qu'une simple souveraine ou l'égérie d'une quelconque religion. Vous êtes une déesse concrète et accessible, et de fait, omnipotente.
- Vous êtes lucide. Et dangereux. Plus que je ne l'aurais imaginé, admit-elle.
- Vous et moi pourrions devenir amis si vous consentiez à répondre une fois pour toute à la seule véritable question que je vous ai posé : qu'avez-vous à gagner en perpétuant nos légendes et en risquant votre utopie ?
- Un environnement,conclut-elle en fermant ses yeux.
- Pardon ?Balbutia-t-il doucement.
- Comme je vous l'ai dit plus tôt, il aurait été très difficile de vous contenir, et encore plus de me débarrasser de vous dès le réveil. Puisque je ne pouvais pas vous inclure dans le processus harmonique de Next Wave, j'ai, pendant mille ans, méticuleusement préparé votre arrivée pour que mon peuple puisse vous accueillir sans qu'il n'y ait de révolution sociétale de leur part et que vous vous retrouviez dans un environnement quelque peu familier pour vous repérer avec aisance. Vous êtes simplement des personnages de légende ayant pris vie à leurs yeux, et bien que Next Wave ne soit en rien comparable à Nintendo World à ce niveau, je vous prie de croire mes habitants au moins au minimum accoutumé à ce que j’appellerai vous concernant "l'ésotérisme". J'ai monté de toutes pièces un environnement capable de mixer nos deux communauté, au moins pour un temps. Celui où vous m'aiderez pour accomplir une mission de la plus haute importance, que je prépare aussi depuis les commencements de notre civilisation.
- Il ne serait pas idiot d'affirmer que vous nous utilisez. Nous et toutes les ressources qui vous entourent.
- Seulement pour le bien de mon monde,souffla Astrid en se voulant rassurante.Je vous prie de croire en ma sincérité à ce niveau. Ni vous ni moi n'avons pu sauver notre monde. Je souhaite que celui-ci ne connaisse jamais les guerres et le chaos. Je vivrai tant que je n'aurai pas parfaitement œuvré dans ce but.
- Et quelle est cette mission, au juste ?Demanda Gozen en soutenant le regard de la souveraine.
- Très bien, je vais vous expliquer. De toute façon, il est bientôt temps. Je souhaitais que vous vous accoutumiez un peu plus à ce monde avant de vous plonger dans le grand bain mais soit. Je n'ai qu'une parole. Lorsque les premiers autochtones et moi-même nous sommes éveillés de la Pandorica, nous avons trouvé face à nous les ruines détruites de notre ancien monde. Privés des souvenirs de notre entrée au sein de la boîte, conservant simplement les séquelles d'un mal horrible ayant surpassé tous les Héros en lesquels nous croyions, nous n'avions plus aucun espoir sur lequel nous reposer. Seuls se trouvaient les ruines fragmentées de notre civilisation ainsi que de nos cauchemars. C'est alors que je me suis élevé parmi la masse avec l'espoir de reconstruire nos terres destituées. Nous avons travaillé de nombreuses années pour créer un simple village qui, plus tard, devint la grande cité de Horuna dans laquelle vous vous développez. J'ai mille ans, comme vous le savez. Je n'aspirais, à la toute base, pas à vivre éternellement. Sur Next Wave se déployait une bête d'une incommensurable puissance. Privés de votre protection, nous dûmes lutter par nous même et nombre d'entre nous périrent. Grâce à une capacité qui m'a été transmise par mon père, la Lumière Destructrice, je pus cependant lutter contre la créature et ai réussi à la séparer en quatre formes distinctes... avant de les enfermer sur les planètes de flottaison. Malheureusement, tout a un prix, et mon corps ne put survivre à la Lumière Destructrice. Je me suis sacrifié pour permettre à mon peuple de progresser mais ils ne l'entendirent pas ainsi. Tous m'offrirent une part de leur énergie, ce qui leur restait comme teneur magique provenant de Nintendo World, et me réparèrent, à tel point qu'ils m'offrirent la vie éternelle. C'est ainsi que, loin de l'influence des quatre monstres cardinaux, Next Wave fut bâti sur les chants des Héros qui, graduellement, devinrent de simples légendes.
- Mais aujourd'hui, les monstres menacent de s'échapper de leur prison, et c'est ce pourquoi vous avez besoin de nous.
- Un jour, alors même que je cherchais un moyen de lutter contre notre ennemi, et que je préparais minutieusement mon plan pour en venir à bout, j'ai cherché au sein de la Pandorica et ai trouvé une salle secrète... celle où vous vous trouviez. Je ne pus vous libérer mais j'ai malgré ce trouvé quand vous seriez à votre tour relâchés. J'ai alors programmé la prison des planètes de flottaisons pour qu'elle coïncide, à quelques mois près, à votre réveil. Je ne pouvais la maintenir éternellement et je le savais. Il fallait donc que je crée le calcul parfait : celui où vous succéderiez à ma tâche. Je n'avais cependant pas prévu de devenir immortelle par le biais de la magie de mon peuple, et me suis appliqué ces mille dernières années à préparer votre arrivée de sorte que vous puissiez parfaire votre mission et que notre harmonie ne soit en aucun cas brisée. Alors je vous en prie...
Astrid tendit la main à Gozen et lui fit un franc sourire.
- Rejoignez-moi et sauvons ce monde qui nous appartient ensemble.
Gozen l'observa et, au bout de quelques secondes de réflexion, leva sa main. C'est alors qu'il tendit son bras, silencieux, que la porte de la pièce principale du palais s'ouvrit avec fracas. Magicka, dont les habits étaient imbibés de sang et dont la main gauche camouflait mal un trou percé au niveau de sa poitrine, cria à s'en détruire les poumons, un vieux livre dans sa main droite :
- Gozen ! Ne... n'écoute pas ce qu'elle dit ! N'en crois pas un mot ! Ce n'est pas... ce n'est rien de tout ce que nous croyions !
Cela faisait désormais trente minutes que Magicka errait dans la bibliothèque royale du palais d'Horuna. Gozen avait été catégorique : elle ne disposait de pas plus qu'une heure pour trouver un indice quelconque sur ce qu'il se passait réellement. Elle était partie précipitamment et avait rué à travers la pièce emplie de livres à la recherche de tout ce qui pouvait lui être utile. Mais il n'y avait rien. A quelque chose près : de nombreux ouvrages relatant l'histoire de Nintendo World avec une précision extrême. Malgré ce qu'elle voulait faire croire, Astrid en connaissant un rayon sur tous les éveillés de la Pandorica, et même sur ceux qui étaient encore endormis. Elle possédait des informations cruciales sur tout le monde et Magicka ne manqua pas de brûler le livre la concernant par mesure de prudence. Elle stressait. Il n'y avait rien dans cette bibliothèque, en apparence, mais l'intégralité de ses sens étaient en éveil, comme si un élément lui échappait. C'est alors qu'elle voulut attraper une pile de livre en hauteur. Elle utilisa ses nouvelles ailes pour se propulser mais les contrôlait mal. N'arrivant pas à battre correctement des ailes, elle fusa contre un mur et... le traversa, purement et simplement !
L'hologramme se dissipa derrière elle, montrant une salle secrète que la demoiselle, surprise, observa de longues secondes avant de reprendre ses esprits. Il s'agissait d'un simple bureau ainsi que d'un cahier. Peut-être était-ce là où Astrid écrivait ses ouvrages sur Nintendo World ? Il s'agissait d'une véritable mine d'or d'informations. Sa curiosité l'emporta sur tout. Elle s'assit sur le bureau et ouvrit le cahier. Il était bien plus lourd que ce à quoi elle s'attendait. Il s'agissait aussi de l'ouvrage numéro douze. Elle ouvrit le tiroir et trouva les onze précédents. Elle feuilleta le premier en long et en large, surveillant constamment l'heure. Gozen lui avait donné, savait-on jamais, une fiole de liquide temporelle qui, si elle l'appliquait sur elle, lui permettait de temporairement ralentir le temps autour d'elle. Une minute devenait alors une heure. C'est ainsi qu'elle passa la journée "complète" à parcourir les douze ouvrages griffonnés. Et plus elle lisait, plus son teint devenait livide. Les cahiers racontaient, sur leur globalité, les mille ans d'existence de Next Wave. Si la vie y avait toujours été paisible, la présence d'un monstre avait cependant été mentionnée... mais contrairement à ce que Gozen pensait par le biais des révélations d'Astrid qui se produisaient entre temps dans la salle principale du palais, le monstre n'était pas un élément extérieur. Il existait bel et bien, et quatre autres entités, ici décrites comme horribles et tant d'autres adjectifs, résidaient sur les planètes de flottaisons, mais il y avait un hic. Un point qui faisait que les révélations d'Astrid à l'extra-terrestre sonnaient faux.
Tout ce qui citait le monstre, ses carnages, sa dévoration, son chaos, dans ces textes... était à la première personne. C'est après trente fausses heures, dont cinq où Magicka n'avait que peu réussi à dormir, que le liquide temporel cessa d'agir, ramenant la sorcière à la réalité. Elle referma le douzième ouvrage le cœur retourné. C'était pire, bien pire que tout ce que le duo croyait. Astrid n'était pas simplement une source de problème. Il apparaissait qu'elle était, d'une quelconque façon, liée à la destruction de Nintendo World, de par la singularité de son existence. Rien n'était clairement détaillé dans les ouvrages, Magicka en ressortait avec bien plus de questions que de réponses, mais une chose était cependant certaine : tout était de la faute de la souveraine, et quand bien même elle s'était attelée à créer une société parfaite pour masquer ses méfaits, ceux-ci étaient bien présents.
La sensation que la vérité était encore plus complexe que cela pesait pourtant sur l'esprit de Magicka.
- Tu ne penses pas pouvoir t'enfuir maintenant, n'est-ce-pas ?Siffla une voix derrière la sorcière.
Elle n'eut pas le temps de réagir. L'un des quatre ninja, Maniwa Chauve-Souris, pendu à l'envers, lui avait enfonçé son katana profondément au niveau de la poitrine. Elle écarquilla ses yeux et cracha du sang, tentant de produire des sphères pour se sauver, mais elle n'y parvint pas. Son sang de Staÿlis ne fit qu'un tour et, inconsciente, elle se libéra de l'emprise du ninja et l'écrasa contre le mur, avant de fébrilement s'envoler. Elle reprit conscience en pleine traversée d'un corridor et tenait sa plaie, le douzième ouvrage à la main et, après de longues minutes de vol et de souffrance, s'écrasa contre la porte du palais, face à Gozen, Astrid, mais aussi une deuxième Magicka : celle qui n'avait jamais quitté la pièce. Celle qui avait permis cette supercherie depuis le départ.
Lorsque Astrid posa ses yeux sur la Magicka blessée au pas de la porte et à celle qui se trouvait en retrait dans la pièce, son sang ne fit qu'un tour.
- Que signifie tout ceci !?
La vraie Magicka ne put s'empêcher de sourire et croqua maladroitement sa sucette à cause de la douleur, dissipant d'un claquement de doigt l'hologramme.
- La coupure de courant, signifia Gozen, a été propice pour monter une petite mise en scène. Je savais que ce phénomène allait se produire, je suis très sensible aux variations électriques et en ai parlé à Magicka avant que nous entrions dans la pièce. Des que cela s'est produit, j'ai créé ce clone parfait qui, au final, n'a agi qu'en pot de fleur, tandis que notre charmante demoiselle est allé fouiner dans le château. Mon seul but était de vous tenir en haleine suffisamment longtemps pour qu'elle revienne avec la preuve qu'il me fallait. Mais je dois avouer que vous m'aviez presque convaincu.
- Le liquide... que Gozen m'a donné... m'a permis de livre vos ouvrages pendant près de trente heures. Je sais beaucoup de choses désormais... et le fait que j'ai été agressée à la suite de ça confirme... mes soupçons...
- Peut-être que nous ne pouvons pas faire changer votre peuple mais nous savons au moins que quelque chose cloche ici. Magicka, qu'as-tu lu ?
- Non ! Je t'interdis !Rumina la souveraine en tentant de la rejoindre, mais l'extra-terrestre lui barra la route.
- Je... Gozen... il y a des monstres sur les planètes de flottaison, mais, si l'on en croit... ce qui est écrit là-dedans, Astrid pourrait tout à fait être... l'un d'entre eux... et elle chercherait à les libérer... ou...
Elle ne tint plus et s'évanouit. Gozen fronça les sourcils. Bien que cela entrait en cohésion avec la version d'Astrid, cela n'était pas non plus logique. Si Astrid cherchait à libérer les monstres sur la planète de flottaison, quel était l'intérêt de le faire en même temps que le réveil de Héros capable de les arrêter ? Non, Magicka était souffrante et n'a pas pu s'expliquer. Gozen manquait cruellement d'informations, mais il était pourtant certain d'une chose.
- Toi...
Alors qu'il lui faisait dos, l'extra-terrestre se tourna avec une extrême violence, ses cheveux et ses yeux passant par toutes ses transformations en boucle assez rapidement pour apparaître une dizaine de fois en une seconde, et il asséna un coup de poing dans le visage d'Astrid avec une telle violence qu'une onde de choc se produisit derrière le corps de la souveraine, détruisant le mur du palais, puis celui d'après, encore et encore, jusqu'à réduire en poussière la façade extérieure du château. L'onde de choc continua son chemin jusqu'à une colline dont le sommet fut réduit en morceau.
Il y avait mis toute la puissance dont il disposait. Il y avait mit le maximum de son potentiel actuel mais... Astrid ne bougea pas même d'un centimètre. Elle ne fut pas blessée. Son visage se craquela sous le poing de Gozen, révélant en son sein un monstre hideux et dégoulinant, constitué d'un seul œil et de cellule battant à tout rompre telles des artères.
- Qu'est-ce que... tu es... ?
Astrid sourit et son visage se reforma. Elle sortit de sa longue manche une paire de menottes qu'elle accrocha aux mains de Gozen. A la seconde près où elle ferma la paire, l'extra-terrestre ouvrit une faille derrière Magicka et l'y propulsa pour lui sauver la vie.
- Si tu penses que de simples menottes vont me retenir...
Mais avant même qu'il ne s'en rende compte, ses cheveux redevinrent non pas blancs mais blonds. Il avait, instantanément, perdu l'intégralité de ses pouvoirs. Il n'était plus redevenu rien d'autre qu'un humain. Les ninjas apparurent autour de lui et l'embarquèrent en direction du château. Un sac avait été posé sur sa tête pour qu'il ne puisse voir le chemin qu'on lui avait fait emprunter.
Ainsi fut programmée la première mise à mort d'un Héros sur Next Wave.